Tamazight dans la Constitution : les scénarios possibles
Le Roi Mohamed VI prononça le 09 mars 2011 son deuxième discours post 20 février. Après son discours de la mise en place du Conseil économique et social (CES), celui-ci touche dans le fond quelques revendications portées par le mouvement du 20 février. Il s’agit essentiellement d’une réforme constitutionnelle qui portera sur plusieurs aspects définis par le Roi. Parmi ces réformes souhaitées par le Souverain figure l’intégration de l’amazighité dans la nouvelle Constitution comme fondement essentielle de l’identité marocaine multiple. Comment donc ce souhait est présenté dans le discours royal ? Quelle est sa place dans le discours revendicatif amazigh ? Et quels sont les scénarios possibles de l’intégration constitutionnelle de l’amazighe à partir des mots employés par le Roi ?
Il est évident que la question amazighe a connu une évolution importante depuis l’arrivée de Mohamed VI au Trône. Quelque soit l’évaluation qu’on peut faire à cette évolution, on peut dire que la création de l’Institut royal de la Culture amazighe (IRCAM) en 2001, le début de quelques expériences d’enseignement de l’amazighe ainsi que le lancement de la chaîne amazighe (la
constituent les initiatives majeures marquant cette période (1999-2011). Or les blocages enregistrés au niveau de l’enseignement de l’amazighe, l’interdiction de quelques prénoms amazighs et l’absence de sérieuses mesures pour intégrer l’amazighe dans plusieurs secteurs administratifs mettaient en avant la nécessité d’une reconnaissance constitutionnelle de la langue amazighe comme langue officielle, considérée comme l’issue pour résoudre tous les autres problèmes. Cette revendication a été portée par le mouvement amazighe depuis la période de Hassan II sans qu’elle trouve son chemin à la réalisation malgré les différents mémorandums et recommandations envoyés par le mouvement au Roi Hassan II, lors de chaque réforme constitutionnelle.
Le mouvement du 20 février, émergé comme suite naturelle des révoltes qui secouent l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, relança cette question en la situant au cœur de ses revendications. Elle s’est transformée d’une demande d’un tissu associatif à une revendication populaire portée par des milliers de manifestants au Maroc et dans la Diaspora. C’est dans ce contexte que l’amazighité est abordée dans le discours royal. Dans la construction du discours, elle est placée au premier point signalé au sujet des réformes à mener. Sans parler de la langue amazighe, ni de la langue arabe, ni de l’arabité, l’amazighité est présentée comme fondement majeur de l’identité marocaine.
Tenant compte que le voisin algérien a reconnu, depuis 2002, la langue amazighe comme langue nationale, plusieurs scénarios sont possibles pour intégrer l’amazighe dans la prochaine Constitution marocaine ?
1- tenant compte des termes utilisés par le Roi, l’amazighité doit être citée dans le préambule ou dans un article définissant l’identité du Maroc. Actuellement, c’est dans le préambule que le Maroc est définie ainsi : « Le Royaume du Maroc, Etat musulman souverain dont la langue officielle est l’arabe, constitue une partie du Grand Maghreb arabe […]». Il ne définie pas le Maroc comme Etat arabe, mais en même temps, il le met dans un cadre plus large portant le nom de « Grand Maghreb arabe ». Par ce jeu de mots, le Maroc est-il arabe par ce qu’il fait parti du Grand Maghreb arabe ? Pouvons-nous ajouter l’amazighité à l’identité du Maroc sans changer l’expression « Grand Maghreb arabe » ? Si non, l’amazighité sera présentée comme une partie de l’arabité ? Le législateur aura-il le courage de définir le Maroc comme Etat musulman, arabe, amazigh et africain et fait parti du Grand Maghreb (sans arabe), ou du Grand Maghreb arabo-amazigh? Ou bien tout simplement, il ajoutera au préambule que l’amazighité constitue le fondement de l’identité du Maroc tout en gardant la définition initiale? Dans ce cas, la décision du Maroc (le plus grand pays amazighe du monde) sera inférieure à la place accordée à tamazight dans la Constitution algérienne.
2- Considérer que les termes du Roi constituent un cadre général sur lequel le Comité chargé des réformes peut s’appuyer pour élaborer tous les articles permettant la reconnaissance pleine de l’amazighité dans toutes ses dimensions. Dans ce sens, l’amazighité sera abordée dans plusieurs articles concernant les l’identité du Maroc et les langues du Maroc. A côté de la reconnaissance de l’amazighité comme fondement essentielle de l’identité du Maroc, tout en supprimant les expressions contradictoires à cette reconnaissance comme « Grand Maghreb arabe », d’autres articles doivent porter sur la langue amazighe. Ils peuvent être sous plusieurs formes :
- Tamazight est une langue nationale au Maroc et l’arabe garde le statut de langue officielle. A ce niveau, le Maroc sera à titre d’égalité avec l’Algérie.
- Ajouter à la langue arabe, à côté de son statut officiel, le statut de langue nationale. Ce qui n’est pas le cas aujourd’Hui. L’arabe aura donc un double statut : langue officielle et nationale, et l’amazighe garde juste le statut de langue nationale.
- La langue arabe et la langue amazighe sont deux langues nationales et officielles du Maroc à titre d’égalité.
- Reconnaître tamazight dans le cadre de la régionalisation avancée, l’un des sujets principaux des réformes. Dans ce cas, tamazight sera langue officielle de quelques régions considérées comme amazighes (plus que les autres). Il s’agit d’une régionalisation linguistique.