Il y a un cannibale qui me lit
C’est un lecteur férocement intelligent
un lecteur de rêve
Il ne laisse passer aucun mot
sans en soupeser le poids de sang
Il soulève même les virgules
pour découvrir les morceaux de chois
Il sait lui que la page vibre
d’une splendide respiration
Ah ! cet émoi qui rend la proie
alléchante et déjà soumise
Il attend la fatigue
qui descend sur le visage
comme un masque de sacrifice
Il cherche la faille pour bondir :
l’adjectif de trop
la répétition qui ne pardonne pas
Il y a un cannibale qui me lit
pour se nourrir.
Abdellatif Laâbi, Vagabondages, Poésie 1, dossier Poètes du Monde, éditions Le cherche midi, page 88
Abdellatif Laâbi est né à Fès au Maroc en 1942. Il est poète, romancier, auteur de théâtre, traducteur et diseur de poésie. Il fonde en 1966 la revue Souffles qui jouera un rôle éminent dans le débat des idées au Maghreb. Son engagement d’intellectuel et de démocrate lui a valu un long emprisonnement au Maroc (1972 à 1980). Il est installé en France depuis 1985. Il a travaillé avec plusieurs musiciens tels Henri Agnel, Raul Barboza, Ahmed Ben Dhiab, Julien Jalal-Eddine Weiss.
Traducteur en français de poètes contemporains arabes parmi lesquels Abdelwahab Al Bayati, Mohamed Al Maghout, Mahmoud Darwich, Abdallah Zrika, il publie en 1990 une anthologie de la poésie palestinienne rééditée e, 2002 par " Le temps des Cerises ".
Bibliographie :
Le chemin des ordalies (récit) Denoël, 1982, réédition sous le titre :
Le fou d’espoir, autres temps, Casablanca / Marseille, 2000.
Les rides du lion (roman) Messidor 1989
Le soleil se meut (poésie) La différence, 1992
L’étreinte du monde (poésie) La différence 1993 et 2001+ cd audio en 2001
Le spleen de Casablanca (poésie) La différence, 1996
Un continent humain (entretiens), Paroles d’Aube, Vénissieux, 1997
Rilbaud et Shéhérazade (théâtre), La différence, 2000.
Poèmes périssables (poésie), La différence, 2000.
Les rêves sont têtus (écrits politiques), eddif / Paris Méditerranée, 2000.
Le fond de la jarre (roman), Gallimard, 2002
Petit musée portatif (poésie), Al Manar, 2002.