Ils étaient cent vingt- sept,
Ils étaient des milliers
Pour une idée folle en tête
Ils avaient tout sacrifié
*
Ils partirent un matin
Cachés dans une remorque brune
Etranges passagers clandestins
Serrés dans un rafiot d'infortune
*
Ils partirent le coeur livide
Silencieux, sans se retourner
Ils n'avaient dans leurs mains vides
Que leur courage à donner
*
Ils n'avaient plus de raison
D’hésiter ni d'espérer
Ils ont quitté leurs douces maisons
Où seules leurs mères les pleuraient
*
Ils étaient cent vingt- sept
Sans doute étaient- ils des milliers
Des hommes que l’injustice jette
Dans le désespoir sans pitié
*
Prêts pour la grande aventure
De nuit ils s'étaient habillés
Ils fuyaient, dans la plaine obscure
Comme si les étoiles les épiaient
*
Déployant tant de sacrifices
Pour traverser la frontière
Parfois une larme brûlante glisse
Quand ils disent adieu à leur terre !
*
Ils n'avaient plus peur de rien
Pour s'évader de la misère
Ni des gendarmes ni de leurs chiens
Même si il fallait défier l’enfer !
*
Ils étaient cent vingt- sept
Ils étaient des milliers
Des hommes qu'aucune loi n'arrête
Prêts à tout essayer!
*
Ils se jettent dans les mers
Avec rage et obstination
Ils parcourent les grands déserts
En rêvant de leur destination
*
Ils marchaient, ombres pliées
Le salut était leur seule prière
Même Dieu les avait oubliés,
Abandonnés dans leur galère!
*
Ils ont jeté tous leurs papiers
Tout ce qui pourrait les trahir
Effacé leurs noms, leurs identités
Pour ne plus jamais revenir
*
Ils étaient cent vingt- sept
Ils étaient des milliers
Qui ne voulaient plus baisser la tête
Qu’un mauvais sort avait désignés
*
Ils ont quitté leurs beaux pays
Opprimés par des dictateurs
Ne supportant plus le mépris
Des corrompus et des voleurs
*
Ils ont choisi la liberté
Plutôt que de vivre à genoux
Sans travail ni dignité
Prisonniers à en devenir fous!
*
Ils n'avaient qu'un objectif
C'était d'atteindre cette barrière
Pour un voyage définitif
Pour ne plus supporter la misère!
*
Ils étaient cent vingt- sept
Ils étaient des milliers
Pour ne plus subir comme des bêtes
Ils avaient pris le sentier
*
Disparus un mauvais matin
En plein océan, ils s'étaient noyés
Parias égarés dans le désert
Loin de la chaleur de leurs foyers
*
Sans témoins, sans bénédictions
La fatigue et le froid les ont tués
Gelés sous les ailes d'un avion
Leurs grands rêves furent broyés
*
Ils étaient cent vingt- sept,
Ils étaient des milliers
Face à une muraille funeste
Leurs mains ouvertes saignaient
*
Ils sont morts jeunes et inconnus
Le bonheur illuminait leurs yeux
Ils croyaient, pauvres ingénus!
Qu’ils vivraient vieux et heureux
*
Qu'au bout de leur calvaire
Ils seraient les bienvenus
Dans un pays généreux et prospère
D'un peuple aux mains tendues
*
Ils étaient cent vingt- sept
Ils étaient des milliers
Morts pour un beau rêve en tête
Pour ne plus vivre humiliés.