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| Anamir le bienheureux ( I; préambule ) | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Re: Anamir le bienheureux ( I; préambule ) Mar 23 Sep - 0:47 | |
| Azul Atanane Idgam llighd uckigh ufighd gigan n tirra zelinin s Unamir le bienheureux;macc ghassad urd ufigh amer tifertin zwanin Mad a gwma isfedn tallast ad llisd udigh asett gemigh? Ar ssirimegh azekka asett id afegh! Tanemmirt Gwmatun zalhoud |
| | | itrinit Modérateur
Messages : 441 Date d'inscription : 18/05/2008 Localisation : Agadir
| Sujet: Re: Anamir le bienheureux ( I; préambule ) Mar 23 Sep - 9:48 | |
| - Zalhoud a écrit:
- Azul Atanane
Idgam llighd uckigh ufighd gigan n tirra zelinin s Unamir le bienheureux;macc ghassad urd ufigh amer tifertin zwanin Mad a gwma isfedn tallast ad llisd udigh asett gemigh? Ar ssirimegh azekka asett id afegh! Tanemmirt Gwmatun zalhoud azul gwmatengh Zalhoud azul Gwmatengh atanane igat lhal a gma, nkkin nit, ghwrigh kigat gh tallast llid iga Atanane, nigh ar askka, ast bahra ferngh. llighd iwigh tadusi, ast ghergh, afghttid ur sul ghid tella. nkkin ar adelli saqsagh makh? yat timjiwcht kad izrin gh le serveur, tawi dis kullu ghaylli ityuran samedi et dimanche. asfser illa ghid: https://art-amazigh.1fr1.net/flash-info-f5/probleme-posts-effaces-t217.htm#1387tanmirt nk a atanane, tfulki tallast an. nzûzd as ttid dagh tarat ass nna tzri timjiwct ad. | |
| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Re: Anamir le bienheureux ( I; préambule ) Mar 23 Sep - 17:44 | |
| Imedakuln inu iêzzan, hati tjra yat tmukrist i kullu lforumat ghik lli innat Itrinit; azekka larbâa igh innat Rbbi ra dSifdgh s yat twalt lqist n Unamir bu tumert . Tanmirt nnun bahra. Atanane
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| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir, version illustrée Mer 24 Sep - 7:15 | |
| Anamir le bienheureux I l était une fois, à une époque fort lointaine, une femme dont le mari était mort, lui laissant un enfant intelligent et à la beauté remarquable, que Dieu avait comblé de tant de grâce et de sagesse. Etant son unique consolation dans la vie la mère prenait grand soin de son fils, se démenant autant qu’elle le pouvait pour qu’il ne manquât de rien car elle n’avait personne d’autre dans la vie que lui. Ainsi avait il reçu une bonne éducation dès son plus jeune âge et quand il eut sept ans, elle le réveilla tôt par une matinée d’automne, lui prépara son petit déjeuner, l’habilla comme pour un jour de fête, lui donna une besace en cuir neuve qu’elle remplit d’amandes douces et de noix, le prit par la main et l’emmena à Timezguida, l’école coranique attenante à la mosquée. Elle frappa à la porte de la maison du maître et quand ce dernier lui ouvrit et la reçut elle lui fit cette requête solennelle : « Pour l’amour de Dieu, monsieur le maître, voici mon fils Hemmu Unamir, je l’ai amené jusqu’à vous pour que vous le formiez, si Dieu le veut, à devenir un brillant étudiant en théologie ou quelque savant réputé. Je suis sa mère et vous en êtes dorénavant le père, afin que vous usiez de toute votre autorité sur lui. » Et de conclure par cette phrase terrible : « Tuez- le, si il est récalcitrant, moi je l’enterrerai. ». Bien- sûr, ce n’était qu’une formule d’usage, mais elle signifiait clairement l’engagement total de l’élève et de sa mère. Le maître lui répondit avec bienveillance : « Allez sans crainte, femme, ne vous préoccupez pas pour votre fils ; il en sera fait ainsi, selon la volonté de Dieu. » Alors il prit la main du garçon et le fit entrer dans la salle d’études, le fit asseoir parmi les autres élèves, lui donna une écritoire et commença aussitôt à lui enseigner la lecture : _ Cette lettre à la forme verticale est l’Aleph » Et ainsi de suite, il lui enseigna toutes les lettres de l’alphabet. Ensuite seulement qu’il ait su lire et écrire couramment le maître entreprit de lui enseigner quelques sourates courtes du Coran. Ainsi commença l’apprentissage de Anamir. L’enfant s’appliqua de bonne grâce, tant et si bien qu’il assimila tout ce que le maître lui écrivait, apprenant par cœur tout ce qu’il lui soumettait et au bout de quelques mois il dépassa ses autres camarades, se révélant plus doué que tout autre élève, même parmi les plus âgés et plus anciens que lui. Il continua ainsi pendant quelques années jusqu’à ce qu’il grandit et devint un beau jeune homme connaissant la totalité de l’enseignement que le maître d’école pouvait lui donner. Son élégance et sa beauté qui allait croissant, ainsi que l’aura qui émanait de lui attiraient le regard des jeunes filles du village à tel point qu’il était devenu l’objet de leurs conversations, lorsque elles rivalisaient entre elles pour gagner ses faveurs, chacune rêvant de devenir son épouse. Souvent elles l’attendaient, enjôleuses ou entreprenantes, sur le pas de leurs portes, le dévorant du regard quand il rentrait chez lui de la mosquée, mais il ne se préoccupait guère de leurs attentions et faisait mine de ne pas comprendre leurs allusions. Anamir avait d’autres rêves en tête, d’autres attentes et surtout des préoccupations nouvelles et secrètes, car d’étranges phénomènes commençaient à lui survenir chaque nuit, troublant sa tranquillité. Mais voici comment ces faits se déroulèrent…
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| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir 2 Mer 24 Sep - 7:22 | |
| Un jour le maître faisait réciter ses élèves les uns après les autres, jusqu’à ce que le tour de Anamir arriva. Il l’appela auprès de lui, lui tendit la planche de lecture et commença à l’interroger machinalement sur sa récitation, comme d’habitude. Quand tout à coup le maître sortit de sa somnolence et s’aperçut des tatouages au henné sur la main gauche du jeune homme ! Il lui arracha la planche et la jeta contre le mur, lui ordonnant de lui montrer ses deux mains. Quand l’élève les lui tendit le maître les ouvrit largement de manière brutale et il s’aperçut qu’elles étaient enduites toutes deux de henné, alors il l’interrogea sévèrement : _ Pourquoi as- tu orné tes mains de henné ? Es- tu une fiancée ou une femme coquette pour faire ainsi ? » Anamir lui répondit avec diligence : _ Je ne comprends pas ce qui m’arrive, maître, je ne sais pas qui orne mes mains ainsi la nuit ; je dors et à mon réveil je trouve mes paumes pleines de henné ! » Le maître ne le crut pas et il se mit en colère : _ Tu es entrain de me mentir ! N’as- tu pas honte ? Je vais te montrer comment je traite les menteurs ! » Malgré les protestations de l’élève le maître ne voulut pas le croire ; il se leva vivement de ses coussins, attrapa une corde, la donna à deux gaillards parmi ses élèves ; ils lui attachèrent les mains et les pieds et le maître entreprit de le châtier, le frappant à l’aide d’un bâton de palme, jusqu’à ce qu’il se fatigua. « Et maintenant, retrouve le droit chemin et tâche de ne plus mentir ! Sinon c’est ta bouche que j’enduirai de salpêtre ! » Le pauvre Anamir pleurait piteusement devant ses camarades amusés, la plante de ses pieds était devenue rouge de coups à tel point qu’il ne pouvait plus ni se relever ni marcher. Il ravala ses larmes , ayant honte d’être traité ainsi de menteur, il haït le maître et l’école et décida de s’enfuir à tout jamais ! Mais quand sa peine fut passée il se demanda ce qu’il pouvait bien faire ! Allait- il quitter la mosquée et causer du chagrin à sa mère ? Ou partir vers un lieu où personne ne le connaissait ? Il en fut ainsi jusqu’ au jour où son problème se trouva résolu de bonne manière ; le maître le rappela de nouveau et lui demanda de lui montrer encore ses mains ; Cette fois- ci il ne les rejeta pas, il ne se mit pas en colère mais il les observa avec intérêt et curiosité, en tirant sur sa barbichette grise et pointue ; il se rendit compte que personne ne pouvait accomplir de tels ornements au henné et il se dit : « ces tatouages ne peuvent être que l’œuvre d’un être surnaturel car la beauté et la sagesse que Dieu a données à Anamir ont attiré sur lui quelque ange descendu du Septième ciel ! » Alors il dit à son élève d’une voix emprunte d’indulgence: _ Tu as peut- être raison, Anamir ; j’ai bien réfléchi à ce qui t’arrive d’étrange et je crois que c’est effectivement des anges du paradis qui te visitent lorsque tu dors et t’enduisent les mains de henné en signe d’admiration. » Et il rajouta : « Maintenant, viens à la prière du soir, je te montrerai après ce qu’il faudra faire ! » Le lendemain le maître passa la journée à réfléchir à un moyen pour résoudre ce mystère, quelque ruse qui permit à Anamir de voir de ses propres yeux les étranges visiteurs de la nuit. Quand les cours et les prières furent finis il convoqua son élève à sa chaire : « Voici ce que tu feras, élu de Dieu : chaque soir mange des amandes aigres pour que le sommeil ne te gagne pas ; munis – toi d’une aiguille et de fil solide que tu cacheras sous ton oreiller. Après que tu aies éteint la lampe tu feras semblant de dormir profondément ; quand les anges viendront pour t’enduire la main gauche, de ta main droite libre tu tâcheras de coudre les pans de ton habit avec les leurs. Et quand elles s’occuperont de ta main droite tu utiliseras la gauche pour coudre encore. Quand elles voudront partir elles ne pourront pas s’en aller; tu ne les relâcheras point, tu ne te laisseras pas intimider par leur réaction ; tu pourras alors leur demander ce que tu voudras et elles te l’accorderont assurément, si cela plaît à Dieu, même si tu les demandes en mariage elles ne te le refuseront pas ! » * " Pourquoi as- tu orné tes mains de henné? Es- tu une fiancée ou une femme coquette pour faire ainsi?"
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| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir, 3 Mer 24 Sep - 7:29 | |
| Le soir même Anamir s’apprêta à accomplir tout ce que le maître lui conseilla de faire. Il prépara son stratagème, ferma sa chambre avec le verrou et fit semblant de dormir, jusqu’à une heure bien tardive, quand sa chambre fut soudain illuminée comme en plein jour, embaumée de parfum de basilic et qu’il entendit des froufrous et de douces paroles dans l’obscurité, tout près de lui ! Il fut parcouru d’un frisson de terreur et ses cheveux se redressèrent sur sa tête comme de douloureuses épines ! Néanmoins il ne manifesta nulle agitation et écouta les êtres surnaturels s’entretenir librement : « Oh ! Comme j’aime quand il dort ! » Disait l’une. « Oh ! Tanirt! Regarde comme il est attendrissant, quand il rêve ! » S’extasiait une autre ! « Je veux enduire sa main gauche de henné et la caresser jusqu’à l’aurore ! » S’empressait d’ajouter sa sœur. « Et moi j’enduirai la main droite et je l’embrasserai ! » Rivalisait l’une, gourmande. « Calmez- vous, vous allez le réveiller ! » Leur conseilla la dernière, celle que ses soeurs appelaient Tanirt, inquiète mais autant charmée et impatiente que ses compagnes. Car ce n’était pas seulement une, mais ce furent cinq anges merveilleuses qui étaient entrées dans sa chambre et se penchaient amoureusement sur sa couche, tellement rayonnantes de splendeur que toute l’obscurité de la pièce en fut chassée ! Le cœur de Anamir se mit à battre fort, il avait envie de crier, de se lever rapidement et de s’enfuir, se réfugier auprès de sa mère mais il ne put bouger son corps ni même proférer un soupir; il se rappela les admonestations du maître et les moqueries de ses camarades et fit semblant de dormir, afin de ne pas les effaroucher. Elles étaient assises tout autour de lui, les cinq Grâcieuses, lui tournant leurs visages et contemplant son corps dénudé et ses mains offertes ; l’une d’elles prit sa paume gauche et l’orna d’un signe de henné avec une douceur infinie ; puis les unes après les autres elles déposèrent un tatouage chacune, selon leurs inspirations. Pendant qu’elles étaient absorbées par ce travail comme des fillettes qui jouaient, Anamir, ouvrit légèrement ses yeux et les contempla en cachette. Quelles étaient belles ! Il faillit en oublier la ruse du maître et malgré sa peur il se mit à son œuvre, retirant subrepticement de sous son oreiller l’aiguille et son fil et commença avec d’infinies précautions à coudre sa chemise avec les pans de leurs robes de soie. Quand il sentit qu’elles avaient fini de s’amuser avec sa main gauche il cacha l’aiguille et posa sa main droite auprès de sa tête, comme si il continuait de dormir profondément. Elles la lui prirent alors doucement et poursuivirent leur ornementation à plusieurs ; de sa main gauche Anamir reprit l’aiguille enfilée et continua discrètement sa besogne, jusqu’à ce qu’il fut sûr que sa chemise était solidement liée à leurs robes. Elles semblaient satisfaites et heureuses quand elles eurent fini, elles riaient de plaisir et s’exclamaient d’admiration comme des gamines heureuses. Elle se relevèrent alors et entreprirent de s’envoler par la lucarne quand soudain elles se rendirent compte qu’elles ne pouvaient plus se mouvoir librement ! Elles comprirent la ruse de Anamir quand elles virent les pans de leurs robes attachés à sa chemise ! Elles le supplièrent de les laisser partir, toutes effarées car elles ne devaient point voir la lumière du jour, disaient- elles, mais il refusa résolument. Une ange lui dit : « Je t’en conjure, Anamir ! Je sais que tu as bon cœur ! J’ai laissé ma pauvre mère malade et seule, elle ne mange ni ne boit si je ne la sers, je dois veiller sur elle sinon elle mourra ! Tu as une mère et tu peux comprendre cela ! » Il la libéra aussitôt, touché par ses paroles. Aussitôt elle s’en fut. Puis une deuxième lui tint à peu près le même discours : « Aie pitié de moi, Anamir ! Laisse- moi partir ! Mon père est très âgé, il est aveugle, il ne peut se lever ni agir si je ne suis pas là pour le soutenir et il n’a personne pour tenir sa main quand il veut sortir de chez lui ! » Et il défit le fil qui la retenait à lui. Aussitôt elle s’envola par la lucarne. Et ainsi de suite, la troisième, puis la quatrième lui tinrent des paroles si touchantes qu’il les laissa partir. Jusqu’à la dernière, Tanirt qui s’apprêtait à lui faire la même doléance mais il l’arrêta aussitôt, avant qu’elle ne parlât, car il avait jeté son dévolu sur elle depuis le début : « Toi, Tanirt, belle ange, amour de ma vie, je ne te relâcherai jamais et je ne me séparerai pas de toi ! Je veux que tu partages mon existence, que tu te maries avec moi et que tu demeures chaque jour auprès de moi. » Elle lui répondit d’une voix douce, emplie de sollicitude : « Laisse- moi partir, bien aimé Anamir ! Je désire tant combler ton souhait mais toi tu ne pourras jamais accomplir mes conditions et je ne veux pas te rendre malheureux ! Réfléchis…» Il ne la laissa guère finir sa phrase et il lui dit : « Je peux accomplir tes conditions si Dieu le permet ! Dis- moi si tu veux des sacrifices, je chasserai pour toi les béliers sauvages des montagnes et les gazelles agiles du désert, si tu réclames de l’or et de l’argent, je t’en trouverai, dussé- je déterrer les trésors enfouis sous terre ! » Et il poursuivit ainsi, lui faisant tant et tant de promesses, se montrant inébranlable, prêt à faire face à toutes les oppositions ; Tanirt le regarda, souriant de son enthousiasme, se tut un moment, indécise et lui dit finalement, consentante : « Je ne désire ni sacrifices ni biens matériels, doux Anamir ! Je ne te demanderai qu’une seule chose : que tu te consacres uniquement à moi et que tu me construises une demeure où j’habiterai seule avec toi, de sept pièces circulaires qu’une seule clef ouvrira, où je ne verrai personne d’autre hormis toi, quoi qu’il arrive. Alors je pourrai demeurer auprès de toi. » Quand il écouta son souhait il lui donna le serment d’accomplir sa demande et de tenir sa promesse ; ils se tinrent spontanément par les mains un long moment, tant ils s’aimaient l’un l’autre et s’embrassèrent tendrement, heureux de vivre ensemble désormais. * " .. L’une d’elles prit sa paume gauche et l’orna d’un signe de henné avec une douceur infinie ..."
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| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir, 4 Mer 24 Sep - 7:31 | |
| Le lendemain matin Anamir appela sa mère et lui dit : « Mère, je veux désormais que tu me prépares un repas pour deux. » Elle lui répondit, toute étonnée : « Mais pourquoi me demandes- tu cela ? Y’a t-il quelqu’un qui vient habiter chez toi, ô mon fils ? » Il se trouva pris au dépourvu, ne sachant quoi répondre. Il prit un air sérieux et s’entendit dire : « Mère, je suis devenu un homme maintenant et j’ai grand appétit. Un seul repas ne me suffit plus ; je n’irai plus à la mosquée, je n’y ai plus rien à apprendre, dorénavant je me consacrerai aux études tout seul et je travaillerai, comme mon père l’avait fait. » Et il semblait sincère et déterminé dans ses paroles, aussi elle ne le contraria point, désirant toujours lui faire plaisir. « Tout ce que tu demandes, mon fils, je le ferai, sauf une seule chose ! Que tu cesses tes études. Non et non ! Ca je ne l’accepterai jamais ! Tu n’abandonneras pas ta formation tant que tu n’es pas devenu un grand théologien ou un savant reconnu, Dieu voulant ! C’est mon désir le plus cher dans la vie et tu le sais. » Il la rassura aussitôt : « Mère, c’est pour cela que je veux me retirer dans la solitude dans une maison que je construirai près de la tienne. Le maître d’école n’a plus rien à m’apporter et je voudrai demeurer auprès des livres que j’achèterai, selon mes besoins. » Elle insista encore et encore pour qu’il ne cessât point de fréquenter l’école et les étudiants de son âge mais il tint ferme, jusqu’à ce que résignée elle le laissa faire à sa guise, en concluant ainsi : « Maintenant, mon fils, fais ce que tu estimes bon et juste pour toi ; tu es sage et tu sais ce qui est bénéfique. Comme vivent les gens, toi aussi tu vivras et tu ne manqueras jamais de rien auprès de moi. Je puis tout te donner, mon fils, sauf la connaissance qui dépend de ta volonté et de Dieu. » * | |
| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir, 5 Mer 24 Sep - 7:33 | |
| Ainsi Anamir cessa t-il de fréquenter l’école et la mosquée. Il construisit une maison de sept pièces, selon les indications de son Ange, subvint à ses besoins en travaillant la terre, en tenant sa promesse et accomplissant les conditions de l’Ange demeurée cachée auprès de lui. Les mois passèrent ainsi dans un grand bonheur, Anamir devint aisé et il ne manqua jamais de rien, toutes ses affaires réussissaient et il devint prospère. Tout le monde admirait sa consécration aux études et on considérait qu’il était devenu un saint homme béni de Dieu, car tout ce qu’il entreprenait réussissait.
Il acheta même un magnifique cheval blanc de grand prix, tout le harnachement de cuir et de soie qu’il lui fallait et quand il le montait il avait l’allure d’un brave ou d’un prince à l’allure fière, ce qui attisa la curiosité des villageois et suscita davantage l’admiration des femmes, qui ne manquaient pas de poser des questions à sa mère. D’où provenaient de telles richesses à son fils et que cachait- il dans la nouvelle maison à sept pièces ?
Anamir et Tanirt vécurent deux années dans leur nid d’amour secret, ne manquant jamais de rien, leur grande passion suffisait à les combler. Un soir, alors qu’ils étaient en train de partager un repas, Tanirt lui déclara qu’elle était souffrante et qu’elle n’avait guère d’appétit. Soudain elle pâlit et Anamir se pressa de la tenir dans ses bras car il crut qu’elle allait défaillir. Il la porta jusqu’à son lit, la couvrit et alla lui chercher de l’eau. Il la veilla ainsi, voulant savoir de quel mal étrange elle souffrait. Alors elle lui dit d’une voix lasse et tendrement moqueuse : « Ne t’inquiète pas outre mesure, mon tendre époux ! Je suis traversée d’étranges désirs, j’ai une envie folle de cerises, je voudrai en manger à satiété ! »
Anamir fut rempli de joie à ces paroles car il comprit que sa femme manifestait les envies d’une femme enceinte, qu’elle allait lui annoncer une bonne nouvelle ! En effet il la sollicita de questions et elle lui révéla son secret, lui demandant d’être plus attentif.
Dès le lendemain il se leva avant le chant du coq, s’habilla comme pour un voyage, prépara sa belle monture dans l’intention d’aller quérir des cerises pour sa bien aimée ; après avoir soigneusement fermé la porte de la maison à sept pièces, il cacha la clef sous une meule de foin. Puis il s’en alla saluer sa mère avant de partir.
* Dès que son fils disparut au bout du sentier la mère commença à s’agiter et à se poser tant et tant de questions. Où pouvait- il bien s’en aller ainsi, de si bonne heure ? Et que cachait- t- il donc de si mystérieux dans sa maison aux sept pièces et à l’unique clef ? La curiosité la taraudait, elle s’en trouva tellement tourmentée qu’elle décida d’en avoir le cœur net et elle se mit à chercher un moyen pour s’introduire dans le secret de son fils.
Elle se mit alors à chercher partout la précieuse clef dans tous les recoins de la ferme, jusqu’à ce qu’elle avisa l’écurie, là où Anamir rangeait ses affaires, auprès de son cheval. Elle remua tout le foin, chercha derrière les poutres, dans les trous des murs mais en vain ! Elle s’assit à l’ombre d’une meule de paille pour se reposer et regarda agacée le vieux coq qui n’arrêtait pas d’aller et de venir, picorant des grains invisibles en chantant : « Moi le gardien de la maison je sais tous les secrets! Moi l’aveugle je dévoile tout ce qui est caché ! » La mère lui prêta alors attention et lui demanda d’une voix doucereuse : _ Mon vieux coq, mon fidèle ami, gardien de mes biens et de mes nuits, dis- moi ce que je recherche et je te donnerai une poignée de grains d’orge ! » Le vieux coq se pavanait sans rien avouer, répétant devant les oiseaux de basse- cour émerveillés par sa chanson : « Moi le gardien de la maison je sais tous les secrets ! Moi le coq aveugle je dévoile tout ce qui est caché ! » Et la femme de persévérer : « Coq, mon bon ami, mon vieux et fidèle compagnon, dis- moi ce que tu sais et je te donnerai autant d’épis de maïs que tu voudras ! » Et le vieux coq faisant semblant de ne pas entendre continuait fièrement sa chanson. Excédée la vieille femme le menaça alors: « Stupide coq, si tu ne me dis ce que tu prétends savoir, je te trancherai la gorge à l’instant et ce soir même je te mangerai à mon dîner ! » Alors le chef de la volaille rabaissa son caquet et déclara : « D’accord pour trois épis de maïs. Ce que tu recherches est tout simplement dissimulé sous cette meule de foin sur laquelle tu es assise. »
Dernière édition par atanane le Sam 27 Sep - 1:55, édité 1 fois | |
| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir, 6 Mer 24 Sep - 7:35 | |
| Aussitôt la femme remua la paille et trouva effectivement la précieuse clef. Sans plus tarder elle ouvrit la porte interdite et fut stupéfaite de trouver une pièce à la configuration inhabituelle, de forme circulaire et sur le fronton de laquelle étaient inscrites des lettres tifinagh, de belle apparence, semblables aux tatouages qui ornaient les mains de son fils ; ces lettres signifiaient, elle ne le savait pas, « timzzayt », c’est à dire l’humilité. La pièce était presque vide et ne s’y trouvaient qu’une natte en fibres d’ajonc et posée près d’elle une vieille paire de sandales usées, comme celles d’un pauvre vagabond. « Voilà donc ce que me cache mon fils! Une carpette et des vielles savates ! Quelle misère ! » S’étonna - t- elle en se pressant vers la porte suivante. Quand elle pénétra la deuxième pièce elle ne prêta aucune attention à la porte au dessus de laquelle était inscrit, toujours en lettres tifinagh le mot « assurfi », c’est à dire le pardon ; là non plus elle ne trouva rien d’extraordinaire, à part un métier à tisser en bois d’olivier posé contre un mur, autour duquel étaient enroulés des fils de laine d’un blanc immaculé. « Tiens ! Tiens ! Hemmu s’adonne au tissage, maintenant ! On aura tout vu ! » Se dit- elle toujours surprise, en se dirigeant vers la troisième porte, également surplombée d’un écriteau. D’ailleurs elle ne remarquait même plus ces mots ornés de pourpre et d’or, tant elle avait hâte d’aller plus vite, plus loin. « Et maintenant, que vais- je trouver encore ? » Se demanda t- elle en entrant dans la troisième pièce sur laquelle était écrit le mot « tazddart », c'est-à-dire la patience et elle n’y trouva en effet rien d’extraordinaire, hormis un « ahlass », un vulgaire bât de mulet. « Drôle de lieu pour ranger ce matériel ! N’avons- nous pas une écurie ? Quel gâchis de place ! C’est à devenir fou ! Anamir manquera toujours de sens pratique ! » S’exclama t- elle en allant vite vers la quatrième porte. Quand elle pénétra la quatrième pièce, ornée de l’inscription « irafan », c'est-à-dire la soif, elle ne vit une fois de plus rien d’intéressant, à part une cruche d’eau posée là contre le mur, ainsi qu’un gobelet en terre. « Ah ! Bonne trouvaille ! Tout cela m’a donné bien soif ! » Et elle se désaltéra avec plaisir. « Mon Dieu ! Qu’elle est délicieuse, cette eau ! Si bonne ! Si fraîche ! Mais de quelle source ou de quel puits secret peut- il bien la tirer ? Il faudra qu’il me le dise ! » Ayant bu à satiété elle s’en alla ouvrir la cinquième porte. Elle pénétra alors dans une pièce sur le fronton de laquelle était ciselé le mot « Tusna », c'est-à-dire la connaissance ; et en effet elle était emplie à ras bords de livres entassés partout, par terre, sur des étagères et dans des jarres ; il y avait là des rouleaux de parchemins, des papyrus, toutes sortes de manuscrits calligraphiés des écritures les plus étranges et les plus diverses. Et au centre de la pièce – bibliothèque se dressait un lutrin- écritoire sur lequel étaient disposés des feuillets, des roseaux taillés et des encriers. « Mon fils est vraiment devenu un savant ! Il s’adonne à l’étude avec passion ! Je comprends maintenant pourquoi il s’isole tant ! Mais voilà encore une autre porte ! Décidément, quand tout ceci s’arrêtera t- il ? » Sur le fronton de la sixième entrée était gravé le mot « Tifawin », ou la lumière de la sagesse, et contrairement aux autres chambres qu’elle avait traversées et qui étaient sombres, celle – ci était éclairée par une magnifique lampe à huile et quoique en terre, d’apparence ordinaire, sa lumière rayonnait de mille feux. « Quelle splendide clarté ! Mais d’où Anamir tient- il une telle merveille ? Et pourquoi éclaire t-il cette grande pièce vide, alors qu’il est absent ? » Elle resta un bon moment à contempler la merveilleuse lampe aussi subjuguée qu’un papillon de nuit par l’éclat d’une bougie ; elle se ressaisit presque à regrets de son délicieux moment d’absence et vit encore une porte portant l’inscription « Tayri », c'est-à-dire l’Amour ; cette fois- ci elle s’attarda à observer les lettres qui étincelaient à la lumière, regrettant amèrement de ne pas savoir lire. « Il faudra que je demande à Anamir de m’inculquer quelques rudiments de lecture ! Que peut bien signifier encore ceci ? » * | |
| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir, 7 Mer 24 Sep - 7:41 | |
| Elle ouvrit la porte résolument et entra dans une large pièce meublée richement de beaux tapis de haute laine, de coussins moelleux, de sofas recouverts de tissus délicats comme le tendre gazon du printemps disposés autour d’une large table ouvragée, en somme un véritable nid douillet d’où émanait le faste et le confort. Et au fond de la pièce il y avait un lit à baldaquins rutilant comme un temple d’or, entouré de voiles d’un bleu profond comme la nuit. La femme indiscrète était à la fois ravie par la beauté du lieu, impressionnée par sa sacralité et remplie malgré tout d’une honte et d’une peur secrètes car elle ressentait son intrusion dans ce lieu intime comme une profanation. Mais c’était trop tard ! Elle ne pouvait plus reculer et voulait tout savoir de ce que lui cachait son fils mystérieux, fusse au creux de sa couche ! Elle écarta donc les voiles suspendus et ô stupeur ! Il y avait là, caché dans cet écrin, une belle jeune femme endormie. La femme indiscrète et jalouse ne put retenir un cri strident de surprise et d’indignation, éveillant en sursaut l’Ange aux cheveux flamboyants défaits et la poitrine à moitié dénudée. La colère l’aveugla tellement qu’elle ne vit pas la somptueuse paire d’ailes blanches cachées sous les draps ni ne se rendit compte un seul instant qu’elle avait là, devant elle, l’être le plus pur et le plus sublime qui soit, tant elle était subitement envahie de sentiments d’animosité et de dépit ! C’était clair, ce qu’elle avait soupçonné durant de longs mois sur la vie cachée de son fils sans oser se l’avouer se matérialisait là, brusquement devant ses yeux ! C’était donc cette créature de petite vertu apeurée, au teint pâle et à l’allure maigrichonne, la maîtresse de Anamir ! Certainement quelque vagabonde, une traînée, puisqu’elle acceptait de vivre secrètement auprès d’un homme célibataire, de partager même son lit, elle la sorcière, la seule responsable évidemment de la folie et de l’isolement de son pauvre enfant ! Elle se mit à crier de toute son ardeur: « Grand Dieu ! Je vis dans la trahison ! Qui es- tu pour vivre ainsi avec mon fils, cachée au sein de ma maison ! Que lui veux- tu ? C’est donc toi qui l’as détourné du bon chemin ! » Et elle continua à disputer l’Ange blême de peur et de honte : « Que fais- tu chez mon fils ? Et comment es- tu venue jusqu’ici ? Quels sont tes parents, ton père et ta mère ? Comment peux- tu vivre ainsi avec un homme, sans les liens sacrés du mariage ! Je t’ordonne de partir immédiatement, de t’en retourner d’où tu viens, femme fourbe et de peu de vertu ! » Et elle lui dit tant de paroles blessantes, lui fit des remontrances accablantes comme si elle fut une moins que rien puis elle la quitta, la laissant pleurant toutes les larmes de son corps, referma la porte derrière elle et s’en alla déposer la clef là où elle était cachée, sous la meule de foin. * " ... Qui es- tu pour vivre ainsi avec mon fils, cachée au sein de ma maison! ..." | |
| | | atanane
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| Sujet: Anamir, 8 Mer 24 Sep - 7:47 | |
| Quand Anamir revint à son village il était pressé de retrouver sa bien aimée, heureux de lui apporter les cerises qu’elle réclamait tant ! Il prit la clef et ouvrit la première porte de la maison ; mais dès qu’il arriva à la troisième pièce il entendit des sanglots lourds provenir de l’intérieur; son cœur se serra et il comprit qu’un malheur était arrivé pendant son absence. Il rejoignit rapidement sa compagne et la trouva effondrée sur son lit, le visage baigné de larmes et décomposé par le chagrin. Il en eut le cœur déchiré et tomba auprès d’elle, la pressant de questions : « Que t’arrive t- il, mon amour ? Pourquoi ces pleurs baignent- ils ton visage et ton lit ? Quel malheur a ainsi frappé à notre porte ? Je t’en conjure, parle et ne me cache rien ! » Tanirt se blottit tout contre lui, ravala ses sanglots et lui raconta comme elle put ce qui lui est arrivé, en hoquetant, tant le chagrin l’étranglait encore. Puis elle adjura Anamir de la laisser s’en aller : « Maintenant Anamir que notre pacte est brisé, plus aucun serment ne nous lie, malgré tout notre amour. Tout ce que je craignais est arrivé. Laisse moi sortir de cette maison où mon cœur étouffe, dorénavant. J’ai besoin d’air, de ciel pur, pour oublier les cris qui résonnent dans ma tête et les mauvaises paroles qui m’ont salie ! Ouvre cette lucarne pour que je respire un air frais où je vais étouffer ! » Il tendit une main pour ouvrir la lucarne et eut peur qu’elle s’envolât aussitôt, pour ne plus jamais revenir. Alors il lui dit : « J’ai peur que tu t’en ailles, sans jamais revenir, que tu t’enfuies au-delà de ma vue et que tu m’abandonnes ici sur terre, te pleurant tous les jours de ma vie ! » Elle le rassura : « Je ne t’abandonnerai jamais, amour de ma vie. Mais je ne puis demeurer ici plus longtemps, sinon je m’éteindrai et notre enfant mourra avec moi. Laisse- moi le temps d’oublier et de me reconstituer, car j’ai été profondément blessée. » Il ouvrit la lucarne d’une main tremblante, les larmes ruisselant sur ses joues. Tanirt sauta sur lui et l’embrassa éperdument et sans qu’il eut le temps de lui dire un mot elle s’élança par l’ouverture bleue, en lui laissant sa bague. Il l’entendit lui dire, comme dans un rêve : « Adieu, Amour Anamir, mon éternel époux, je ne peux demeurer plus longtemps dans ce monde de méchanceté. Garde ma bague, elle te servira, si tu décides de nous rejoindre, ton fils et moi. Retrouve moi près du Jardin aux cascades, au Septième ciel, c’est là que je réside auprès des miens. » Et en un seul battement d’ailes puissant Tanirt, l'Ange sublime s’éleva puis disparut dans les hauteurs étoilées. Anamir demeura seul, prostré, n’ayant plus que Dieu comme recours et ses prières pour qu’Il la protège et la fasse revenir ! Depuis cette funeste nuit il ne désira plus manger ni boire, s’isolant de longues heures à songer à son épouse disparue, jouant des airs mélancoliques de sa flûte. Il demeura ainsi comme coupé du monde, ne songeant plus qu’à elle, ignorant le réconfort et les remontrances de sa mère inquiète, ne désirant plus rien au monde que de revoir sa bien aimée au plus vite. Ainsi passèrent les mois, puis une année dans la solitude et la tristesse. * "...« Adieu, Amour Anamir, mon éternel époux, je ne peux demeurer plus longtemps dans ce monde de méchanceté..."
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| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir, 9 Mer 24 Sep - 7:51 | |
| Sa mère ne put plus supporter de le voir dans cet état d’affliction et elle en arriva à regretter qu’elle fût la cause de son malheur. Elle essaya tant de ruses et de moyens pour le faire réagir, entendre de lui seulement une parole, mais son fils demeurait comme absent, le regard extatique, constamment fixé au ciel. Elle fit venir à son chevet des guérisseurs et des sorciers, les sages de la contrée et les religieux, mais il les ignorait tous et ils s’en allaient, impuissants de le comprendre et de le secourir. Un jour soudain, il se leva de sous le figuier où il demeurait retiré assis, marcha d’un pas décidé vers l’étable alors que sa mère était en train de trier des grains d’orge tout en veillant sur lui, il harnacha son cheval et lui dit : « Mère, il est temps pour moi de te dire adieu car je vais partir, je ne sais où, pour accomplir mon destin. Là où j’irai personne ne pourra m’y conduire ni me rejoindre, c’est pour cela que je te demande de me pardonner et de me bénir. Prie pour moi et que la volonté de Dieu soit accomplie. » A ce moment là les yeux de la femme se remplirent de larmes ; accablée, elle ne sut quoi lui dire, soulagée et heureuse de l’entendre enfin parler, le voir réagir de son amertume mais effondrée par ses paroles si dures à supporter pour le cœur d’une mère. Il la prit dans ses bras, l’embrassa tendrement, en lui disant : « Adieu, ma mère ! J’implore ton pardon pour la tristesse que je t’ai donnée et j’invoque ta bénédiction pour mon entreprise ; c’est ma destinée et il faut que je l’accomplisse. » Elle retira une des deux fibules d’argent qui attachaient les pans de son vêtement, les paroles lui faisant défaut et elle accomplit un geste de tendresse en fixant son bijou sur le cœur de son fils, comme si elle désirait le retenir à elle ; elle serrait sa chemise agrafée ainsi dans son pauvre poing et avant qu’elle ne proférât une parole il s’installa prestement sur la selle de son cheval, lui donna un coup de talon énergique en claquant sa langue puis s’élança résolument sur le chemin qui serpentait au loin, vers les montagnes, comme si il s’enfuyait pour cacher ses larmes. * " ... Il s’élança résolument sur le chemin qui serpentait au loin, vers les montagnes, comme si il s’enfuyait pour cacher ses larmes...." | |
| | | atanane
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| Sujet: Anamir, 10 Mer 24 Sep - 7:56 | |
| Durant de longs mois il traversa maintes contrées, ne sachant où aller ni qui interroger, faisant confiance seulement en la providence, menant une vie de vagabond et de pauvre hère, se contentant de peu pour se nourrir, dormant à la belle étoile dans des clairières ou des grottes, son visage dévoré par une barbe hirsute, ses cheveux jadis bien rasés, oints d’huile et tressés devinrent sales et noueux, ses beaux vêtements devinrent des loques misérables maculées de boue. Un jour qu’il était adossé au tronc d’un arbre, se reposant un moment en jouant de sa flûte, il se trouva absorbé dans une rêverie vague et profonde, à tel point qu’il entendit comme des paroles diffuses dans le feuillage secoué par le vent. Il ferma les yeux, joua de sa flûte, mais dès qu’il cessait le silence régnait de nouveau autour de lui. Alors il reprenait sa mélodie, pensant avoir des hallucinations à cause de la chaleur, de la fatigue ou de la faim et dès qu’il s’abandonnait à nouveau à sa rêverie il entendait des paroles accompagnant son air comme une chanson : « Sur les ailes d’un aigle puissant Tu voleras vers ton amour absent Sur la chevelure de la nuit, languissant Tu franchiras les franges du firmament
L’Aigle de clarté te mènera, mugissant, Au pays de lumière, sans espoir de retour, Retrouver ses baisers, son sourire attendrissant Mais ton chagrin cessera t-il un jour ? » Anamir jouait de plus belle, comme si sa musique lui donnait les réponses qu’il attendait depuis longtemps ; il voyait vraiment en songe tout ce qu’il espérait, comme si l’arbre- oracle qui dansait au dessus de sa tête communiait avec lui harmonieusement, lui délivrant distinctement un message de sa bien aimée par le bruissement pénétrant de son feuillage ! «Jusqu’à la septième sphère il te portera Jusqu’au Jardin des cascades il te mènera ! Au fait de cette montagne sombre il t’attend Lui seul peut franchir la barrière du firmament !» Anamir vit clairement la montagne en question dans ses pensées ; il scruta l’horizon tout autour de lui et crut en reconnaître les crêtes dentelées qui se profilaient dans la brume, entre ciel et terre. Il rendit grâce aux esprits des lieux, embrassa l’arbre pour lui témoigner sa gratitude, ramassa quelques unes de ses amandes étranges pour les garder sur lui puis il reprit sa route aussitôt, le cœur gonflé d’une folle espérance, menant son cheval à bride abattue en direction de cette montagne mystérieuse qui l’attirait désormais comme un aimant puissant. * | |
| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir, 11 Mer 24 Sep - 8:01 | |
| Trois jours durant il voyagea sur des chemins escarpés, franchit des cols où personne avant lui n’était passé, traversa des torrents, évita des gouffres et des rochers posés sur son chemin comme des murs infranchissables. Il ne put plus continuer à dos de cheval, aussi abandonna t- il sa fidèle monture dans l’anfractuosité d’une falaise, en lui procurant l’eau et le fourrage nécessaires à sa survie, jusqu’à son retour, pensa- t-il. Alors il escalada encore des promontoires à pied, croyant perdre la vie à chaque instant, puisant dans ses dernières forces son énergie et son souffle et finalement il parvint, exténué et le corps en sang, au sommet de la haute montagne, balayé par les vents froids et les hurlements lugubres des bourrasques gémissantes tels des génies furieux. Il resta longtemps à scruter les environs, à tendre l’oreille pour distinguer un autre son que les rafales du vent, quand il perçut distinctement comme le piaillement d’oisillons qui venaient de naître et qui réclamaient leur pitance. Il leva ses yeux vers le fait d’un sombre rocher et là il distingua les branchages enchevêtrés d’un immense nid, d’où provenaient justement les cris des oisillons ! Il était certain d’être parvenu jusqu’à l’aire de l’Aigle de clarté, mais comment allait- il l’aborder, lui parler et lui demander d’exaucer son vœu ? Il resta ainsi désemparé au pied du rocher, considérant l’immense nid au dessus de lui, songeant à un moyen d’y accéder mais il était impossible à atteindre et il avait peur de glisser sur cette paroi haute et abrupte et surtout, si il y parvenait, de se faire tuer assurément par le rapace en colère, car personne ne peut approcher la progéniture d’un aigle sans se faire déchiqueter en mille morceaux ! Tout à coup, comme si le sort voulait le tirer de son embarras, un aiglon chétif tomba du nid à cause de l’agitation qui y régnait. Il termina sa malheureuse chute à l’endroit même où le jeune homme se trouvait caché ! Il s’en empara aussitôt, s’assura qu’il était vivant et en prit soin comme il le pouvait, lui donnant à manger et le réchauffant de son manteau de laine. L’aiglon survécut à sa chute et se renforça grâce à la protection vigilante de Anamir qui en prit soin avec affection, comme il savait le faire, comme si il s’agissait d’un vulgaire poussin de basse cour. L’aiglon poussait des cris régulièrement, réclamant sa nourriture et devenait plus exigeant, plus insatiable, ce qui attira immanquablement l’attention de son père qui tournoyait dans le ciel, de ses immenses ailes déployées, n’ayant jamais cessé de le rechercher. Le terrible oiseau remarqua de ses yeux perçants la présence de l’homme et fondit sur lui sans hésitation comme un bolide fulgurant tombant à pic du ciel. Il reconnut aussitôt son rejeton et le tira vers lui, le couvrit de ses ailes caressantes, s’assura qu’il allait bien et se rendit compte que le jeune homme lui fit grand bien. Alors il se redressa sur ses énormes pattes aux serres aussi grandes et brillantes que des lames de couteau, secoua son plumage brun et doré telles les hautes herbes dorées d’une prairie, se rengorgea, fixa l’intrus de ses prunelles d’or vastes comme deux plateaux de cuivre rutilant, ouvrit un bec démesuré et lui parla d’une voix forte et perçante : « Skrîîî ! Qui es- tu, étranger, pour enfreindre la tranquillité de ce lieu sacré ? Es- tu un chasseur ou un voleur d’aiglons ? Es- tu un fou ou un démon à l’apparence humaine frêle ? Parle et dis- moi quelles sont tes intentions, je t’assure que je ne te ferai aucun mal ! » Anamir se sentait tout petit face à cette masse qui le dévorait de son regard de feu, acculé et à la merci de ce bec qui était posé sur sa tête comme le soc d’une charrue, prêt à lui fracasser le crâne sans hésitation. Il s’entendit dire d’une voix aigrelette que la peur et l’admiration faisaient trembler : « Seigneur des oiseaux, aigle de clarté, aie pitié de mon audace ! Aucun mal n’habite mon cœur, si ce n’est l’amour de Tanirt, ma bien aimée que j’ai perdue et le désir de la retrouver au Septième ciel où elle réside ! Je t’en supplie, maître des cieux, aide- moi à exaucer mon vœu, car il n’y a que toi qui puisse le faire ! » Et il poursuivit son récit fantastique entrecoupé de supplications, ayant oublié toute terreur, il conta ses déboires et son désir d’en finir, de rejoindre le Jardin céleste des cascades ou de se laisser mourir de faim et de froid dans ces montagnes désolées. « Je t’en conjure, Aigle de clarté ! Tu es mon ultime espoir ! Accorde moi ton aide et ton pouvoir pour que je puisse retrouver ma femme et mon fils ! Je suis prêt à accomplir toutes tes exigences, dussé-je me retrancher un bras ou une jambe ! » Et à ses derniers mots désespérés sa voix se noua et ses yeux se remplirent de larmes brûlantes. Il resta prostré devant la majestueuse créature, sans plus rien dire, attendant son verdict. L’Aigle le considéra un moment, comme si il hésitait à prendre une décision, puis rabroua son plumage, regarda vers le ciel infini et daigna finalement parler : « Je comprends ta peine et j’imagine ta souffrance, car moi aussi j’ai perdu mon épouse, la compagne de mes jours et la mère de mes enfants. La douleur d’un amant séparé de sa bien aimé est une coupe amère à boire. Tu as sauvé mon fils d’une mort certaine, tu l’as aidé à grandir et à renforcer son plumage et pour cela je te suis reconnaissant. Mais j’exige de toi pour accomplir ton désir fou un sacrifice : le cheval que tu as laissé seul dans une antre de la montagne, accorde- le moi en échange de ta demande; désormais tu n’en auras plus besoin dans cette vie terrestre car il n’y aura plus pour toi d’espoir de retour parmi les vivants; tôt ou tard un fauve le trouvera et le dévorera, si ce n’est déjà fait, et ses os nus blanchiront au soleil. Ecoute mes instructions et elles seront douloureuses à entendre et à exécuter : tu égorgeras cette monture et tu m’en consacreras sept parts copieuses de chair tendre, les plus belles, pour que je puisse avoir des réserves pour le long voyage que tu me demandes d’accomplir. Et tu rempliras sept larges roseaux de son sang frais afin que je puisse les boire à loisir, étancher ma soif et décupler mes forces. Es- tu prêt à faire ce que je réclame de toi ? » Anamir se réjouit d’entendre ces paroles de reconnaissance mais profondément bouleversé à l’idée de satisfaire la cruelle demande de l’Aigle. Il se tut, désemparé, le regard vide et la voix éteinte, à considérer le vide qui s’ouvrait sous ses pieds. Le jeune homme se releva, pantelant comme si il venait d’être touché au foie par une flèche mortelle. Sans se retourner, sans répondre à l’aigle intransigeant qui le scrutait de toute sa stature hiératique et ses yeux impitoyables, il se retira de sa présence et marcha en titubant vers l’abri de son cheval, ne sachant quoi penser ni que faire... " ... Il était certain d’être parvenu jusqu’à l’aire de l’Aigle de clarté, mais comment allait- il l’aborder, lui parler et lui demander d’exaucer son vœu ?"
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| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir, 12 Mer 24 Sep - 8:09 | |
| Il était au dessus de ses forces d’accomplir une tâche aussi affreuse et ignoble ! Comment allait- il supporter lever son poignard assassin sur cette douce et tendre encolure qu’il aimait tant caresser pour se redonner de l’espoir et du courage? Comment allait- il tuer ce compagnon fidèle qui lui a procuré tant de satisfactions et d’affection, qu’il chérissait comme un frère, un fils, et qui a partagé avec lui tant d’années d’amitié et de complicité ! C’était son seul ami des bons et des mauvais jours, quand ils avaient quitté un jour le pays natal, traversé ensemble maintes épreuves, son seul support et unique réconfort durant toutes ces journées de solitude ! Il n’aurait jamais imaginé en arriver là, trahir à ce point le seul être qui lui soit dévoué, prendre sa vie et l’offrir en sacrifice sanglant ! Ses mains tremblaient comme celles d’un criminel en touchant la garde froide de son coutelas, devenu soudain comme vivant, pesant et brûlant comme une méchante blessure. Il entendit le hennissement joyeux et rassuré de la bête bien avant qu’il n’arrivât à sa vue. Il marcha les genoux flageolants, livide et en larmes, comme si il allait à sa propre mort, faire un mal irrémédiable à sa propre âme. Il sortit le couteau de sa gaine d’un geste sinistre en s’approchant de son compagnon qui avait déjà pressenti ce qui allait advenir. Le cheval fit trois pas à reculons puis comme si il saluait le destin de la tête, sa crinière dansa comme un ultime panache victorieux et il la baissa vers son maître. Anamir pleurait et caressait la belle robe blanche de son compagnon d’infortune et d’aventures, approchant sa bouche de son écoute il bafouilla en suffocant des mots d’amour et de douleur, des paroles d’adieu et de désespoir! Il dit la sentence terrible et serra ses naseaux contre sa poitrine. Il fallait bien accomplir l’horrible séparation. Sans rien manifester le cheval s’étendit devant lui, confiant et docile, comme si il acceptait son sort. Anamir accomplit les macabres consignes de l’Aigle scrupuleusement comme si il accomplissait un crime abject consommé jusqu’au bout, en faisant vite et en se haïssant, maudissant les dieux et le sordide destin de l’humanité. Désormais il n’avait plus aucune raison de réfléchir ni de reculer; il s’en retourna auprès de l’Aigle, n’ayant plus rien qui l’attachait à son monde et ne pensa plus qu’au voyage définitif qui l’attendait, à celle pour qui il a consacré tout son amour et toute sa destinée. Il déploya humblement son offrande devant l’aigle majestueux et attendit sa décision. L’oiseau réjoui étendit ses ailes fabuleuses, les battit ainsi que des voiles immenses couvrant le soleil, ensuite il déclara : « Grimpe sur mon dos et tiens – toi fermement. Tu ne me parleras pas ; tu ne diras rien ; tu n’auras qu’à exécuter mes ordres à chaque fois que je te le demande, rien de plus. » Anamir s’exécuta, s’agrippant aux plumes épaisses et lisses, se cramponna au cou de l’aigle comme s’il s’agissait d’un tronc d’arbre et le cœur battant il attendit la suite des événements. Quand il ne bougea plus l’oiseau se redressa sur ses robustes pattes, ouvrit ses ailes fantastiques qu’il battit bruyamment, soulevant un nuage de poussière, puis s’élança sans hésitation dans les airs, au dessus des montagnes. Anamir fut saisi de frayeur; il ferma les yeux, se sentit emporté vers les cieux, s’agrippait autant qu’il le pouvait au cou tendu du volatile indifférent à sa présence insignifiante. Le vent froid des hauteurs et les remous d’air provoqués par le mouvement régulier des ailes le tétanisaient et menaçaient de le déstabiliser à tout moment, aussi resta t- il presque couché sur ce lit duveteux et frissonnant, abandonnant tout espoir de fouler un jour le sol de ses ancêtres. * Désormais, il ne faisait plus partie du monde des vivants ! L’Aigle monta de plus en plus haut, à une vitesse vertigineuse ; à chaque battement d’ailes il accomplissait rapidement de longues distances, s’élançant vers le cosmos infini. Si cela lui fut possible Anamir aurait voulu crier de toutes ses forces pour extérioriser l’épouvante qui l’oppressait mais l’intransigeance de l’Oiseau terrible était plus impérieuse que ses pauvres émotions humaines ! Il ouvrait des yeux effarés pour considérer le gouffre immense qu’il laissait derrière lui, la terre qui s’enfuyait comme une bille minuscule brune et bleue, de plus en plus sombre, de plus en plus lointaine et dérisoire. Il levait son regard au dessus de la tête de sa monture prodigieuse, vers l’abîme incommensurable qui l’engloutissait et saisi par le vertige il refermait ses paupières de toutes ses forces, pour ne pas rendre l’âme, pour ne plus rien voir et se laisser seulement transporter. Alors la voix de l’Aigle tonna comme un orage : « Donne- moi une ration de chair et de sang, pour que je puisse atteindre la deuxième hauteur ! » Et avec d’infinies précautions, ne regardant que ses gestes lents, Anamir accomplit sa tâche puis replongea dans ses pensées. Sans jamais faiblir l’Oiseau continuait son ascension comme une flèche et à chaque étape de son périple il demandait sa nourriture, pour plonger indéfiniment dans les ténèbres de l’espace, se rapprochant des étoiles qu’aucun humain n’avait vues d’aussi près, aussi énormes et lumineuses que le Soleil en plein midi ! Un astre filant passa presque à proximité de l’Aigle, traçant dans le ciel obscur une longue traînée d’or, comme des boules de feu lancées par un géant en colère. Anamir se redressait à chaque fois, se relevait un peu plus pour admirer ce magnifique spectacle céleste, lorsque le dernier sac de nourriture qu’il portait glissa de son épaule et fut aspiré dans le vide. Le passager en devint livide de terreur quand soudain le cri perçant de l’Aigle se fit entendre : « Nous pénétrons dans la septième sphère, l’ultime barrière du firmament et la plus éprouvante ! Donne- moi ma dernière ration ! » Le jeune homme ne sut quoi dire ni que faire ; en suffocant de larmes de terreur il répondit : « Aigle majestueux, je l’ai perdue ! Pardonne ma maladresse, je t’en supplie ! » L’Oiseau manifesta aussitôt sa colère par un cri perçant et menaça de le balancer dans le néant si il ne lui accordait pas rapidement ce qu’il désirait. _ Arrache_ moi un bras ou une jambe, Aigle, je suis à ta merci, mais je ne peux exaucer ta demande, fais de moi ce que tu voudras ! » L’Aigle garda le silence pendant qu’Anamir pleurait, s’attendant au pire, voyant son périple s’achever aussi tragiquement à cause d’un court instant de distraction stupide. _ Tu m’obliges à prendre dans mes ultimes réserves, juste au moment où j’en ai le plus besoin ! Si je n’avais pas pris pitié de toi, je n’aurai pas hésité de te dévorer ! Mais je ne peux te faire plus de peines que tu n’aies déjà supportées ni te rendre estropié alors que tu vas rencontrer ta bien aimée et ton enfant ! » Anamir sanglotait de confusion, alors que l’Aigle redevenu calme et silencieux poursuivait son envol. _ Arrête de te lamenter sur ton erreur, tu ne pourras rien y changer ! Prépare- toi à franchir la barrière des deux univers parallèles car tout ce que tu connais de l’espace et du temps va s’annihiler. Tu resteras le même mais tu vivras désormais de l’autre côté de la vie, citoyen de l’éternité ! Le passage va se faire dans un instant. Attention ! » Il y eut soudain une déflagration étourdissante dans la conscience du passager, comme une fulgurance totale provoquée par une foudre invisible. Son sang reflua tandis que son corps était liquéfié, parcouru de frissons, une lumière éclatante le submergeait, accompagnée par le fracas de mille tonnerres qui résonnaient dans sa tête ! Cette fois- ci il ne put s’empêcher de hurler de toutes ses forces, quand sa raison se retira de lui. Lorsqu’il rouvrit les yeux tout était redevenu calme, comme dans une autre vie, mais il chevauchait toujours l’Aigle aux ailes immenses et immobiles, survolant un nouveau paysage d’une beauté inexprimable, un jardin infini d’une splendeur telle qu’il n’en avait jamais vue ! L’air était doux et serein, baigné d’une clarté provenant de partout et de nulle part, puisque dans ce nouveau firmament d’un rose tendre il n y avait pas le moindre astre luisant ! Plus l’Aigle descendait vers les collines verdoyantes plus Anamir s’extasiait devant les merveilles qu’il découvrait. Il avait subitement tout oublié du choc qu’il venait de supporter et s’écriait de joie : _ Quel beau pays ! On se croirait au paradis ! » _ Tu ne crois pas si bien dire ! Tu es effectivement entré au paradis ! » Répondit l’Oiseau flegmatique. « C’est ainsi que les tiens appellent ce monde merveilleux qu’ils ne conçoivent qu’en rêve et en légendes. Et dire que le gibier y abonde et que je ne peux guère en prélever pour me rassasier ! Regarde tous ces animaux vivant en paix et en totale harmonie ! Ils ne peuvent mourir, ils ne connaissent guère ni la peur ni l’inquiétude ! » Il disait cela d’un ton ni amer ni exalté, tandis qu’il se posait sur une colline où évoluaient toutes sortes de bêtes, des félins, des gazelles, des ours et des agneaux et tant d’autres créatures petites et grandes, qui ne semblaient pas du tout dérangées par son arrivée remarquable. _ Te voici arrivé au monde de tes rêves, Anamir. Il est temps que je retourne chez moi, mon voyage de retour risque d’être plus difficile cette fois- ci. » _ Je te suis infiniment reconnaissant, Aigle de clarté, pour la peine que je t’ai donnée ; Pardonne- moi encore ma maladresse. » _ La prochaine fois demeure vigilant et tiens compte des conseils que tu reçois. Ta désinvolture risque de te coûter la vie, un jour. Maintenant va, et profite de chaque instant de ton séjour ici, au pays de l’Amour éternel ! » * " ... Il y eut soudain une déflagration étourdissante dans la conscience du passager, comme une fulgurance totale provoquée par une foudre invisible (...) Cette fois- ci il ne put s’empêcher de hurler de toutes ses forces, quand sa raison se retira de lui. "
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| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir, 13 Mer 24 Sep - 8:11 | |
| Et l’immense Oiseau s’éleva dans l’air diaphane, disparaissant peu à peu, laissant Anamir dans un monde parfait. Il parcourut d’un pas léger les plaines parsemées d’herbes hautes et odorantes, de fleurs aux coloris délicats, d’arbres aux allures splendides, chargés de feuillage e de fruits inconnus. Il but à l’eau fraîche des ruisseaux qui parcouraient gracieusement les près, contempla les oiseaux paradisiaques aux couleurs vives et aux chants sublimes qui ne s’effrayaient jamais à son approche. La frayeur le saisit lorsqu’un couple de panthères surgit d’un fourré, traversa son chemin, faisant à peine attention à sa présence ; elles miaulaient tendrement, marchant côte à côte, se léchant l’une l’autre, frottant affectueusement leurs têtes, comme les plus amoureuses des créatures. Il sourit devant cette scène attendrissante et poursuivit son chemin de plus en plus rassuré, se laissant gagner par la paix et l’insouciance qui régnaient dans ce domaine de beauté et de douceur. Même un cobra à la peau noire et luisante se tenant fièrement sur une pierre, tête tendue et crocs pointus ne l’effraya pas. Des papillons de tous les coloris, des bleus, des mauves, des roses s’élevaient autour de ses pas comme dans le plus joli des ballets et dansaient une farandole délicate autour de lui, saluant son arrivée et lui souhaitant la bienvenue. Bizarrement il ne ressentait ni faim ni aucune lassitude, malgré les épreuves qu’il venait de vivre. Jamais il ne s’était senti aussi bien, frais et dispos, l’esprit réjoui et paisible, baignant dans une félicité indescriptible. Il n’avait jamais éprouvé auparavant une telle joie de vie et de folle énergie, l’esprit avide de sensations nouvelles et de découvertes. _ Je suis au paradis, mais pas tel que le maître de l’école nous l’enseignait ! Je suis assurément le plus heureux des hommes ! Mais pourtant… » Il pensa alors à Tanirt, son ange d’amour, et à la raison de sa présence dans ce jardin de délices, de paix et de beauté. Il s’étonna de n’apercevoir aucune habitation ni aucun être doué d’esprit et de parole avec qui communiquer et encore moins d’anges célestes venir à son accueil. Il se sentit absolument seul dans cet Eden verdoyant quand une voix cristalline et rieuse l’interpella, provenant d’une fontaine qui jaillissait sur les rives d’un lac tapissé de plantes aquatiques. Il s’approcha de la source du rire mystérieux mais ne vit personne, pourtant les éclats moqueurs fusaient encore dans les futaies. _ Je suis ici ! Retourne- toi ! » Anamir se retournait, interloqué mais ne voyait pas âme qui vive. _ Je suis là ! Tu ne me vois pas ? » Lança une autre voix malicieuse venant d’ailleurs. Il s’approcha de la rive du lac, se sentant cerné par des êtres invisibles, regarda de tous côtés, perplexe, lorsque de petits visages réjouis apparurent à travers les roseaux. Il resta stupéfait devant ces petits êtres étranges aux ailes semblables à celles des libellules, voletant maintenant autour de lui, l’entourant de leurs petits corps aux formes gracieuses. _ Bonjour, bel étranger ! » Lui lança une jolie créature à la chevelure d’or, toute effrontée, qui l’embrassa prestement sur le bout de son nez. _ Sois le bienvenu, charmant visiteur ! Comme tu sembles las et égaré ! D’où viens- tu ? » Lui demanda une autre fée qui déposa aussi un baiser frais sur son front. _ Tu veux être notre ami, dis ? » Lui souffla au creux de l’oreille ce qu’il considéra désormais comme des génies des eaux, comme on lui en avait parlé jadis chez lui. Bientôt il fut entouré d’une kyrielle de femmes papillons aux ailes transparentes et aux robes légères et chatoyantes, portant des colliers de fleurs qu’elles suspendaient à son cou. _ Tu viens de l’autre monde, de la Terre des brumes et de la rosée, n’est- ce pas ? Qu’est- ce qui t’amène ici ? » Et malgré son ahurissement Anamir balbutia quelques mots confus, leur conta son histoire extravagante, mais cette fois ci en éprouvant un plaisir immense, gagné par la joie enfantine des petites créatures qui l’ écoutaient , attentives et ébahies. Quand il finit son récit il soupira malgré tout, manifestant une légère pointe d’inquiétude, car il avait évoqué sa mère et son pays qu’il ne reverrait plus jamais. _ Oh ! La ! La ! Anamir, quelle belle histoire ! Assurément la belle Tanirt va être très heureuse de savoir que tu es ici ! Et ton fils Afer sera rempli de joie de te connaître et de te serrer dans ses bras ! » A ce nom Anamir tressaillit de joie : _ Ainsi vous les connaissez ! Où sont- ils ? Oh ! Je vous en prie, créatures sublimes, dîtes- moi où pourrai- je les rencontrer ? » _ Ils habitent la Cité céleste, bien- sûr ! C’est sur les rives du Fleuve des désirs ! Tu n’auras qu’à longer cette rivière jusqu’à la vallée, mais… » _ Mais… Quoi ? » _ Mais tu ne pourras pas entrer dans la Cité des Anges comme ça ! Tout étranger en est proscrit, tu vas t’attirer des ennuis ainsi qu’à Tanirt et à ton fils Afer. Personne d’autre que les Anges n’ y est toléré, c’est ainsi et depuis toujours ! Tu as intérêt à trouver quelque subterfuge pour prévenir Tanirt de ta présence ici, elle saura comment faire. » Lui conseilla une fée à l’opulente chevelure flamboyante. Le jeune homme parut déconcerté: lui qui croyait que tout serait facile une fois parvenu au Royaume des cieux, voilà que des difficultés insoupçonnées se profilaient devant lui ! _ Mais pourquoi les Anges ne tolèrent- ils pas les étrangers dans leur cité ? Ne sont- ils pas réputés pour leur bonté, des esprits de paix et d’amour ? » _ Ils le sont, effectivement, ils ne connaissent pas la moindre méchanceté. Mais vois- tu, c’est justement par amour des autres, ainsi qu’ils le déclarent, qu’ils préfèrent vivre entre eux pour préserver l’harmonie du monde parfait, la sérénité et surtout les connaissances fabuleuses qu’ils détiennent. » Anamir ne fut pas tellement convaincu par cette remarque qui le déçut. Une petite créature aux ailes argentées comprit sa déconvenue et vint à son aide : _ Si tu veux rencontrer Tanirt en toute sécurité, voilà ce que tu devras faire : Tu te cacheras aux abords de la Source claire et lorsque la suivante de ta chérie viendra puiser de l’eau, comme elle le fait tous les jours, tu lui demanderas de t’annoncer! Et alors ton Ange viendra à ton secours et saura comment faire pour convaincre les siens ! Tu es le père d’un petit ange, ne l’oublie pas ! » Toutes ses compagnes furent ravies de ces paroles judicieuses et l’approuvèrent sans réserve. Alors Anamir parut lui aussi rassuré et accepta de suivre leurs conseils. *
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| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir, 14 Mer 24 Sep - 8:15 | |
| Il se rendit à la Source claire, grimpa sur un arbre feuillu dont les grosses branches étaient suspendues au dessus de la surface de l’eau et ainsi dissimulé de tout regard comme il le croyait il attendit tranquillement l’apparition de la suivante tout en croquant quelques beaux fruits suspendus à sa portée, à la chair succulente et au parfum irrésistible. Mais comment allait- il faire, qu’allait- il dire à la servante de Tanirt ? Il craignait de l’effrayer et il cherchait des mots justes et la façon la plus rassurante de lui parler. Longtemps après, alors qu’il rêvassait de Tanirt et des baisers qui pourraient étancher sa soif d’amour inextinguible, il perçut une voix chantante qui s’approchait de la Source, vers l’endroit même où il se trouvait caché. Avec précaution il jeta un coup d’œil à travers le feuillage et lorsqu’il vit une belle jeune fille s’agenouiller au bord de l’eau et remplir sa cruche, il reconnut aussitôt la servante dont les petites fées bien renseignées lui avaient parlé. Elle était tellement ravissante, parée de bijoux merveilleux et de pierres précieuses dignes d’une reine et comme une créature féerique elle portait elle aussi des ailes délicates, fastueuses de couleurs, la couvrant comme un voile aux nuances diaprées et sur sa poitrine s’étalaient une magnifique chevelure brune. Anamir fut subjugué par cette splendide femme qui prenait plaisir à accomplir sa modeste tâche, tout en chantant un air dont il comprenait les paroles : « Eau claire de la Source de vie Tu guéris toute peine et mélancolie Réjouis le cœur de ma princesse ! Chasse de son cœur toute tristesse Qu’elle en oublie celui qu’elle avait aimé Anamir si loin d’elle, désormais !(…) » Plus elle chantait ces paroles surprenantes plus le jeune homme se rapprochait pour mieux entendre cet air, sans se rendre compte que son image se reflétait dans la surface lisse du lac, aussi précise que dans un miroir ! Effectivement la jolie servante fut troublée par cette vision, elle se releva vite, surprise dans son intimité, comme si elle était prête à s’enfuir en délaissant sa cruche. Mais contrairement à ce qu’il pensa elle se redressa et lança à l’intrus qui essayait de se cacher maladroitement derrière une grosse branche : _ Qui es- tu, homme indiscret, qui m’observes en cachette ? Ose te montrer ! » Anamir descendit alors de l’arbre, pour ne pas trop fâcher la jeune femme résolue à le confondre. Mal à l’aise à cause de sa ruse il bredouilla d’une voix confuse : _ Je t’en prie, pardonne mon attitude, mais je ne savais comment t’aborder ! Tu es mon ultime recours pour rencontrer Tanirt, ma bien aimée ! Tu vois bien, je ne l’ai pas oubliée ! Je suis venu de la Terre jusque dans votre monde pour la retrouver, comme je le lui ai promis ! » La servante aux ailes de papillon en frémit d’étonnement. Elle recula, toute interloquée, fit renverser sa cruche et tout en le dévisageant comme s’il fut un spectre elle l’interrogea : _ Anamir, le jeune homme aux mains tatouées ! Est- ce donc bien toi, celui dont ma pauvre amie parle nuit et jour ! Est- ce donc toi, le père d’Afer, mon adorable petit prince ! Comme il te ressemble, en effet ! Mais qu’est- ce qui me prouvera vraiment que tu es celui que tu prétends être ? Ne serais- tu pas un satyre malicieux bien renseigné des secrets des habitants des bois et de la Cité des Anges ? Où pire que cela, ne serais- tu pas un esprit ténébreux échappé de l’Anneau de feu, venu nous espionner et nous tourmenter ? C’est impossible que Anamir, pauvre mortel, puisse tenir son serment et parvenir jusqu’ici ! » Et aussitôt elle se mit sur la défensive, convaincue par l’ardeur de ses soupçons et ses propres hypothèses. Elle se rapprocha de Anamir, le défiant de son regard méfiant et scrutateur. L’intrus reculait pitoyablement devant cette charge d’accusations inattendues et essayait de trouver rapidement une réponse : _ Je t’assure que c’est bien moi, Anamir, l’époux de Tanirt ! Que je ne l’ai jamais oubliée, que je suis le père malheureux de Afer que je désire tant voir ! Je t’en conjure, crois- moi ! Voici pour te convaincre la preuve que je dis vrai, la bague que Tanirt m’a laissée en gage de son amour ! Porte- la toi-même à ta maîtresse et elle sera persuadée de ma sincérité ! » Et il retira de son doigt l’anneau qu’il donna à la jeune fille. Elle le prit, le regarda d’un air ravi et s’exclama : _ C’est en effet son bijou personnel, qu’elle disait t’avoir donné ! Et comme Afer te ressemble, en effet! Anamir, je te crois, mais il ne faut pas que quelqu’un d’autre sache que tu es ici ! Tanirt languit toujours de toi et son amour lui cause bien du chagrin et des soucis auprès des siens. Les êtres célestes n’accepteront jamais la présence d’un Fils de la Terre parmi eux, fut- il le père de l’un de leurs enfants ! Reste caché ici mais cette fois- ci prends bien soin de ne pas te montrer. Je reviendrai tout à l’heure, aussitôt que j’aurai averti Tanirt de ta présence et on saura alors comment te faire entrer dans la Cité. » * "...Plus elle chantait ces paroles surprenantes plus le jeune homme se rapprochait pour mieux entendre cet air, sans se rendre compte que son image se reflétait dans la surface lisse du lac, aussi précise que dans un miroir !" | |
| | | atanane
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| Sujet: Anamir, 15 Mer 24 Sep - 8:21 | |
| Anamir se confondit en remerciements, soulagé qu’elle ait consenti de le croire finalement. Plus rien ni personne ne le séparait désormais de son épouse, plus que quelques moments de patience et ils seraient l’un dans les bras de l’autre, tendrement enlacés ! Il fit exactement ce que lui recommanda la servante. Un moment après il la vit effectivement revenir, en compagnie de Tanirt qui la suivait d’un pas pressé. Il sauta de l’arbre et courut vers elle, transporté d’une joie débordante. Ils s’enlacèrent longtemps, si fort, leurs baisers entrecoupés de paroles tendres et de sanglots de bonheur, sous le regard ému de Chama, demeurée à l’écart. _ Ma tendre Tanirt, je n’ai tant vécu que pour cet instant où je te vois ! Depuis que tu m’avais laissé tu avais ravi et mon âme et mes pensées ! » _ Mon doux Anamir, mon tendre et cher époux ! Jamais je n’ai pu me résoudre à t’oublier et jamais je n’ai désespéré de te serrer dans mes bras, comme en ce moment miraculeux ! » _ J’avais perdu la raison, loin de toi, Tanirt, je me suis égaré dans les voies des ténèbres et de la folie, si ce n’est ta promesse j’aurai déjà perdu la vie ! _ J’ai subi la colère des miens, Anamir, à cause de notre union et si ce n’était la miséricorde et le pardon de mon père Umanar j’aurais dû subir le bannissement selon les lois de notre Cité !... Et chacun des deux amoureux y allait de ses confidences empressées, n’ayant pu soulager leurs cœurs pendant une si longue séparation. Ils avaient encore tant à se dire, des mots de tendresse et de désir qu’ils avaient gardé si longtemps brûlants dans leurs cœurs inapaisés. Ils seraient restés ainsi, enlacés l’un dans les bras de l’autre, se murmurant des soupirs d’amour et de bonheur pour rattraper un peu du temps perdu, si ce n’était Chama qui intervint à contre- cœur, les faisant ressaisir de leur moment de grâce : _ Vous aurez tout le loisir de vous raconter tout cela lorsque vous serez à l’abri dans votre appartement, princesse ! Pour l’instant il faut penser à vous soustraire des regards indiscrets et savoir comment faire venir Anamir jusqu’au sein du palais ! » Ce fut Chama aussi qui leur suggéra d’attendre le soir, lorsque tous les Anges se réunissaient comme à l’accoutumée dans le vaste Harmonium pour s’adonner à leur loisir favori, le chant et la musique : à ce moment là aucun habitant de la Cité céleste, fut- il un servant, ne s’absentait de la réunion que le roi Amanar présidait en personne. Les anges malgré leur vigilance et clairvoyance comprendraient l’absence de Tanirt, tant ils étaient habitués à ses lubies et ils entonneraient encore des chants de liesse et de réconfort à son intention, pour la divertir de sa mélancolie. Combien de fois déjà elle était restée seule, caressant sa peine, en les écoutant de loin l’invitant aux communions instrumentales ! Le son des harpes et des voix séraphines la consolaient un moment, mais bien moins que les notes aigres de la flûte de Anamir, les seules qui la comblaient d’émoi ! * "... Et chacun des deux amoureux y allait de ses confidences empressées, n’ayant pu soulager leurs cœurs pendant une si longue séparation. Ils avaient encore tant à se dire, des mots de tendresse et de désir qu’ils avaient gardé si longtemps brûlants dans leurs cœurs inapaisés..." | |
| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir, 16 Mer 24 Sep - 8:27 | |
| Ainsi fut- il fait, quand la Cité fut dépeuplée au moment convenu, Tanirt laissa Afer son fils en compagnie de Chama, lui promettant pour le rassurer de son absence inhabituelle une merveilleuse surprise. Elle sortit chercher Anamir dans sa retraite, lui apporta un burnous ample couleur poupre et or à large capuche qui le couvrit entièrement et ainsi déguisé de l’habit traditionnel des anges elle le fit venir avec d’infinies précautions dans les allées désertes de la Cité. Anamir ne pouvait s’empêcher, bien que marchant rapidement et tête basse aux côtés de Tanirt silencieuse et avançant d’un pas décidé, d’admirer de temps en temps les coupoles dorées et les façades de cristal, subjugué par la beauté parfaite et la clarté magnifique qui irradiait des vastes bâtiments aux baies transparentes et aux portails ciselés, brodés tels de riches étoffes ; ils traversèrent des petits ponts délicats en marbre nacré comme les replis d’un coquillage dressés au dessus de rivières aux cours colorés, traversèrent de larges places arborées et fleuries où se dressaient des fontaines aux grands jets d’eau au murmure charmant ! C’était un mélange harmonieux d’architecture savante faite pour le plaisir des yeux et de nature paradisiaque, entretenue tel un merveilleux jardin où évoluaient en liberté des animaux heureux et paisibles et des oiseaux aux formes et aux coloris les plus chatoyants. Il n y avait ni bruits discordants, ni de couleurs ternes ou criardes qui pussent heurter les sens des habitants ; tout était disposé de telle sorte que le promeneur puisse s’attarder à contempler quelque œuvre d’art originale ou quelque beauté de la nature. Anamir suivait son guide par des corridors déserts, ne sachant si il fallait se dissimuler ou s’extasier devant tant de merveilles qu’il voyait. Ils arrivèrent ainsi à une singulière bâtisse aux murs de corail et de forme pyramidale ; Tanirt daigna enfin parler, d’une voix émue : _ C’est ici ma demeure personnelle et celle de ton fils. Sois le bienvenu chez toi, mon amour. » Dès qu’ils traversèrent l’huis un charmant chérubin ailé et tout potelé, aux bouclettes ondoyantes vint à leur rencontre, poussant des cris de joie : _ Maman ! Maman ! Où es ma surprise ? » Et se rendant compte aussitôt de la présence de l’étranger qui avait enlevé son manteau il s’écria : « Mais qui est cet homme ? C’est curieux, il n’a pas d’ailes du tout ! » Tous trois pleurèrent de bonheur ; Chama qui se tenait à l’écart, Tanirt qui tenait son enfant par la main le présenta d’un simple sourire à son père et ce dernier qui reconnut immédiatement son fils et qui s’agenouillait pour se mettre à sa hauteur, ouvrant ses bras afin de le serrer affectueusement contre sa poitrine. _ Afer, mon chéri, voici ton papa ! Embrasse- le, il est venu d’un pays lointain pour nous rejoindre et te connaître. » Et aussitôt l’enfant aux ailes de duvet argenté s’élança dans les bras de son père, l’embrassant en riant et lui demandant tout innocemment : _ Papa, pourquoi es- tu parti si longtemps ? Maman était triste sans toi, tu nous as beaucoup manqué. Oh ! Papa, je suis heureux que tu sois là ! » A ces charmantes paroles Anamir ne put retenir toutes les larmes qui jaillissaient de son cœur serré, ébranlé rien que par ce simple cri qui lui était adressé et qu’il entendait pour la première fois, « papa ! » * "...Dès qu’ils traversèrent l’huis un charmant chérubin ailé et tout potelé, aux bouclettes ondoyantes vint à leur rencontre, poussant des cris de joie ..." | |
| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir, 17 Mer 24 Sep - 8:30 | |
| Chama les quitta, les laissant à leurs tendres effusions et s’en alla rejoindre son peuple chantant déjà dans l’immense salle de l’Harmonium, d’où provenaient des airs de musique. Tanirt retrouva la joie de vivre auprès de son époux, comblée par sa présence et son amour ; ils vécurent dans la plénitude et s’adonnèrent comblés à leurs sublimes amours, couvant de leur tendresse leur enfant chéri et retrouvèrent spontanément, comme si leur séparation ne dura qu’un court mauvais moment, leurs anciennes et passionnantes conversations, évoquant tous les sujets, des plus futiles, des rires et des taquineries d’enfants à longueur de journée, et des discussions au sujet des mystères et des merveilles de l’univers et de la vie, les secrets de l’immortalité et des facultés de l’esprit, des dimensions plurielles de l’espace et du temps, s’extasiant toujours de l’incommensurable puissance et perfection de la création.
_ Si l’on a quelques avantages sur vous, les humains, lui disait- elle en toute humilité, c’est que les Anges ont purifié leurs âmes de toute passion démesurée, libérant ainsi l’esprit de toutes les contingences matérielles et émotionnelles. Nous ne connaissons ni de besoins ni de désirs inconsidérés. Bien sûr, nous fûmes privilégiés par notre conception, étant issus de la lumière et de l’amour, fondateurs de toute la création. Etre un ange ne signifie rien de plus que d’être porté par un élan d’amour et de bonté en tout instant. Et c’est uniquement par ce sentiment de générosité que naissent notre faculté créatrice et nos dons spirituels, notre immortalité. Vous aussi, les humains, vous accédez à l’éternité heureuse par l’amour qui réside en vous à l’état latent, mais de façon encore imparfaite et désordonnée. » Bien que cette faculté naturelle d’aimer habitait Anamir de façon innée, qu’il était doué d’admiration et d’émerveillement face aux manifestations diverses et innombrables de la création, il ne pouvait concevoir tout ce que ce mot « amour », si simple et si prodigieux à la fois pouvait receler comme énergies de vie. _ Mais vous, les Anges, vous ne pouvez pas réaliser toutes les contraintes matérielles que les Humains doivent supporter et surmonter. Chaque instant de notre existence est une épreuve de survie arraché à la mort, une lutte constante contre les éléments naturels, contre le manque d’eau et de nourriture, sans parler des maladies qui nous affligent et tant de dangers qui nous menacent. Vous les Anges, vous vivez au paradis, où tout est semble t-il parfait et achevé, dès le commencement. » _ C’est pour cela que nous vous aimons et que nous vous admirons, Humains, nos frères, car vous faites preuve de tant de courage et d’efforts pour dépasser vos conditions de vie défavorables. Mais votre monde est aussi merveilleux que le notre, si vous le saviez ! Il contient toutes choses pour être parfait. Si seulement il n y avait pas cet instinct de pouvoir, d’avidité et de domination qui génère inégalités et injustices, les peurs et les ressentiments, vous seriez nos égaux, sinon encore plus privilégiés que nous ! Mais vous mettez tellement de temps pour apprendre et comprendre comment tirer profit de vos connaissances et vos expériences. Ce ne sont ni la connaissance ni la sagesse qui vous font défaut, pourtant, tant de grands sages vous ont montré la voie depuis des temps immémoriaux, mais à chaque fois leur savoir a été volé, détourné de son but, afin de servir comme moyen de domination et d’exploitation des plus vulnérables ! Que de malheurs, que de souffrances, que d’injustices et de crimes furent commis à cause de l’égoïsme de quelques uns ! »
Anamir était envahi de tristesse car il savait combien son épouse disait vrai ! Comme son monde était beau et merveilleux, songea t-il, avec toutes ses splendeurs naturelles et ses richesses extraordinaires ! Tant de paysages divers et sublimes, tant d’espèces innombrables d’animaux et de végétaux, l’exubérance des manifestations de la vie sur Terre, les rivières grondantes et paisibles, les lacs azurés et les bois profonds, tant de créatures fabuleuses, de la petite fourmi alerte, le papillon au vol chatoyant, jusqu’au fougueux cheval, tant de plantes diverses aux qualités et aux vertus extraordinaires ! Et la magnificence de la nature, les aubes aux soleils écarlates, les arcs en ciel aux tonalités féeriques, tant de trésors évidents répandus sur terre et qui ne demandent qu’à être contemplés, protégés ! Il se rappela avec tendresse la majesté étincelante de blancheur des montagnes enneigés de son pays, la grandeur infinie des mers et des océans, abritant tant de vie et de mystères, et la clarté douce et sereine de la Lune dans le fastueux voile parsemé d’étoiles de la nuit ! _ En vérité ton monde pourrait être bien plus beau que le plus merveilleux des paradis… » Reconnaissait Tanirt qui souriait de plaisir quand son époux évoquait avec exaltation les beautés du monde terrestre. « Et la créature la plus parfaite, la plus privilégiée et la plus apte à jouir de ce paradis terrestre et à en prendre soin est malheureusement aussi celle qui lui cause du tort et qui est la plus néfaste à son harmonie… L’Homme demeure destructeur avec son orgueil démesuré, son égoïsme pathétique et son avidité ravageuse, un danger permanent et pour lui-même et pour toutes les créatures vivantes, une menace constance pour l’équilibre de la vie. » | |
| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir, 18 Mer 24 Sep - 8:33 | |
| Afer était assis en face d’eux sur un tapis, s’amusant à des jeux d’ange, sans se préoccuper de leurs conversations, heureux seulement de les savoir tous deux auprès de lui. Anamir n’avait jamais cessé de s’émerveiller, après tant de mois qu’il était déjà là, de voir son fils s’adonner à des activités prodigieuses, comme le fait de déplacer par le regard ou une simple parole des objets, des petites sphères, des cubes et des pyramides, les disposer en des constructions hasardeuses en configurations originales, harmonieuses ou amusantes, et quand il se lassait de ce jeu il détachait son attention de ces objets qui retombaient sur le sol, provoquant le rire de son père. _ Papa, apprends – moi à rire, comment fais- tu pour provoquer ce bruit drôle et étrange ? » Anamir demeurait interdit, ne sachant comment répondre à cette demande incongrue ni comment expliquer exactement cet éclat sonore et contagieux de joie irrépressible. Parfois, quand les Anges étaient réunis pour leurs concerts de musique, Tanirt en profitait pour faire sortir son époux de leur demeure ; elle lui faisait visiter tant de machineries extraordinaires, les innombrables salles de lecture, les galeries d’œuvres d’art et tant d’autres curiosités et splendeurs. C’est ainsi qu’un soir il lui demanda à quoi pouvait servir l’immense disque de marbre, semblable à un miroir encerclé d’une frise aux signes étranges. _ C’est une fenêtre inter dimensionnelle, Anamir, elle nous sert à voir tout ce qui se passe dans n’importe quelle partie de l’univers et d’y accéder, si nous le désirons. Mais son maniement est complexe et nécessite un rigoureux apprentissage, une parfaite expérience pour être capable de s’en servir. C’est justement par cet anneau que j’allais faire des excursions dans ton monde et c’est par là aussi que je suis revenue chez moi. Tiens, observe- bien, je vais te montrer ses capacités. » Et devant les yeux étonnés de Anamir elle positionna la paume de sa main sur une succession de signes et aussitôt le grand disque laiteux commença à tourner lentement dans son cercle ; la surface brumeuse et opaque commença à s’éclaircir, comme un ciel qui se dégage, dévoilant des formes de plus en plus nettes. Anamir poussa un cri de surprise quand il vit alors un paysage aux contours précis, des montagnes, des masses sombres et vertes telles des forêts, des plaines immenses parsemées de cours d’eau argentés, de chemins sinueux et ce qui semblait être des habitations, disposées ça et là. Tanirt continuait de jouer de ses mains expertes sur les cartouches écrites, rendant l’image plus grande, plus précise. - Mais c’ est … Imi n- Tanout ! C’est chez moi ! Je reconnais les maisons à flanc de colline ! Tanirt demeurait attentive, sans faire attention à l’excitation fébrile de son compagnon ; elle maintenait sa main sur un carreau lumineux couleur saphir. Le paysage continuait de grossir dans le disque et ses contours se précisaient de façon étonnante, à telle point que l’on pouvait distinguer les toits, les portes et les fenêtres des maisons, les champs et les routes qui les traversaient. _ Là c’est mon village et près de ce verger c’est ma maison ! _ Oui, Anamir, c’est comme ça que je t’avais observé à ton insu, puis rejoint chaque nuit, parfois seule et parfois en compagnie de mes amies, pendant que tu dormais. Je m’amusais à tracer sur tes mains offertes des dessins et des mots de vœux de bénédiction et de bonheur ! Ainsi je t’exprimais mon amour. Ces dessins n’étaient que des messages tracés dans l’écriture de ton propre peuple, les lettres tifinagh, notre trouvaille commune, mais je ne savais pas que plus personne ne les utilisait dans ton pays! Maintenant ce n’est plus la peine de s’attarder ici, je n’entends plus les chants de l’assemblée. Il vaut mieux pour nous de rentrer. » * "... Et devant les yeux étonnés de Anamir elle positionna la paume de sa main sur une succession de signes et aussitôt le grand disque laiteux commença à tourner lentement dans son cercle ..." | |
| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir, 19 Mer 24 Sep - 8:36 | |
| Ainsi se déroulait la vie de Anamir dans la patrie des Anges, située dans la septième sphère céleste. Il y jouissait d’une vie heureuse parmi les êtres les plus chers à son cœur, insatiable d’apprendre jour après jour les facultés insoupçonnées de l’esprit et les secrets de toutes sortes de connaissances. Il avait appris à se déplacer dans les airs grâce à sa volonté, de transmettre un message sans proférer un mot et ainsi il s’amusait à communiquer uniquement par la pensée avec son épouse et son fils ; il pouvait également faire naître le feu dans le creux de sa main, sans se brûler, faire disparaître les douleurs par de simples caresses. Mais petit à petit son esprit était obsédé par l’extraordinaire fenêtre inter dimensionnelle qui lui demeurait mystérieuse et interdite. Il voulut en comprendre le mécanisme et le maniement mais à chaque fois qu’il évoquait ce sujet avec Tanirt ou avec Chama elles éludaient ses questions, prétendaient ne pas en connaître la marche, réservée aux seuls anges expérimentés. _ Mais pourtant, toi, Tanirt, tu l’as utilisée maintes fois ! Tu sais bien l’utiliser, forcément, tu me l’as déjà démontré ! » _ Oui, c’ est vrai, Anamir, mais c’est un engin terriblement dangereux car il est sensible aux états d’âme de son utilisateur. Moi-même quand je l’avais employé pour accéder à ton monde je fus toujours accompagné d’un compagnon qui maîtrise tous les maniements complexes et nécessaires, surtout en cas de problèmes. C’est une machine tellement sensible, tu sais ! Elle nécessite une entière symbiose entre l’esprit et l’énergie potentielle qu’elle contient. C’est comme une vague puissante qui se libère soudainement ; il faut être assez intuitif pour s’y engager et se laisser porter en toute douceur et confiance. Si l’on manifeste la moindre inquiétude ou distraction on risque d’être broyé littéralement par la force et la vitesse vertigineuse du courant. Je t’en supplie, mon amour, cesse de te tourmenter au sujet de cette machine, il te faudra plusieurs années et beaucoup de maturité pour la comprendre et l’apprivoiser. » Concluait- elle, avec une note de lassitude et de tristesse dans sa voix car elle pressentait que son compagnon était submergé peu à peu par la nostalgie irrésistible de son pays natal et des siens.
Elle-même elle avait ressenti autrefois ce même sentiment souverain quand elle l’avait quitté, malgré toute la force de l’amour qui les unissait. Elle savait, sans se l’avouer, que ce moment tant redouté, nié, allait renaître et prendre de l’ampleur petit à petit, devenant une torture lancinante et secrète que rien, pas même l’attachement le plus fort, l’adoration sans bornes qui le liait à son fils et à sa femme, n’arriveraient à calmer cette douleur d’être séparé longtemps de son pays, aussi imparfait et rude fut- il. C’est là la source de tout son être et ses racines, où il puise sa mémoire. Que pouvait- elle y faire, sinon lui exprimer encore et toujours son amour sincère ?
Dès qu’il demeurait seul dans le petit palais, savourant ces moments exquis de solitude où il s’adonnait à l’étude et à la méditation, il allait parfois de par les corridors jusqu’à la salle de la fenêtre fantastique, contemplait avec une envie irrésistible le grand anneau d’où il pouvait observer son pays. Maintes fois il avait répété dans le secret le plus absolu les gestes que Tanirt avait réalisés devant lui, positionnant ses paumes sur les larges cartouches colorées et il s’habitua à accélérer le flux des images, à les grossir indéfiniment et rapprocher tellement son regard qu’il avait l’impression de toucher le sol, d’être capable de reconnaître distinctement les personnes, de pouvoir presque les appeler et leur parler, mais malgré ses gestes et ses appels ils ne pouvaient le voir. A différentes reprises il avait réussi à apercevoir sa mère solitaire, devant le pas de sa porte, l’air triste comme si elle attendait quelqu’un qui ne venait pas. Il la voyait distinctement, parfois des larmes brillaient sur ses joues creusées par les années et la peine. Elle qui était robuste, si dynamique, s’activant partout dans sa propriété comme une abeille elle était devenue tellement menue, nageant dans de vieux habits devenues trop amples pour elle. Elle parlait parfois seule, il essayait de lire sur ses lèvres tremblantes mais ne pouvait comprendre ce qu’elle marmonnait. | |
| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir, 20 Mer 24 Sep - 8:41 | |
| Dès qu’il pressentait le retour de sa femme en compagnie de son fils, ou l’arrivée de Chama à des heures régulières, il retournait prestement dans sa demeure et faisait semblant d’être affairé à quelque travail, reprenait comme si de rien n’était sa vie familiale heureuse. Mais Tanirt n’était pas dupe de ces simulacres, elle en était secrètement peinée, ne lui disant rien, s’évertuant à lui procurer davantage d’affection dans l’espoir d’atténuer sa souffrance. Parfois elle ne pouvait pas malgré tout cacher ses larmes et pleurait en silence, en détournant son visage. Bien qu’il savait la cause de sa peine il lui demandait ingénument : _ Mais pourquoi pleures- tu ? Quelle est la cause de ton chagrin ? » _ Je sais, Anamir, que tu es sur le point de me quitter, car dans ton cœur tu as choisi de retourner auprès des tiens. Malgré notre enfant et tout notre amour je ne peux combler le vide qui est en toi et qui te ronge. Mais je t’en conjure, n’approche pas seul de l’anneau, tu risques de te détruire. » Il protestait malgré lui, lâchement, rejetant ces accusations qu’il savait au fond vraies et qu’il refusait de reconnaître franchement. Bien au contraire, il se montrait doux, clamant pour elle son amour le plus sincère et le plus fidèle, la prenant dans ses bras pour la divertir et la réconforter. Elle lui souriait tout simplement et répondait à ses débordements d’affection, lisant facilement le mensonge dans son regard qui ne savait mentir, lui disant qu’elle voulait bien le croire, mais en son for intérieur elle savait que quelque chose était cassé, irrémédiablement, l’ennui et la dissimulation les séparant petit à petit. _ J’aimerai seulement que tu m’accordes une faveur, que tu me dises la vérité ; quelque soit ta décision je l’accepterai, car je ne puis tolérer que tu me mentes et que tu sois malheureux. » Et il s’écriait, outré hypocritement : _ Mais je t’aime, Tanirt ! Je t’aime plus que tout ! » _ Mais… ? Ton cœur est ailleurs, auprès de ton pays et de ton passé. Tu désires ta liberté. » Il prenait la fuite en gardant le silence ou en se réfugiant dans des jeux d’adresse interminables avec son fils, prenant de plus en plus plaisir à lui parler de sa patrie terrestre, lui apprenant des rudiments de sa langue maternelle. _ Un jour, tu verras combien le pays de tes grands parents est magnifique ! Chez nous il y a de grandes montagnes, tellement hautes qu’elles sont toujours enneigées, il y a de vastes forêts de cèdres odorants, peuplées de panthères splendides et de singes malicieux, des vallées verdoyantes au printemps que des torrents tumultueux parcourent à l’automne, tu verras un soleil tellement rayonnant dans l’azur… » Et Anamir s’élançait exalté dans des évocations et des descriptions lyriques où toute son imagination prenait feu, pensant émerveiller son fils, mais c’était sa nostalgie dévorante qui le submergeait comme une bourrasque folle, balayant sa raison, sa patience et ses promesses de fidélité et d’amour. * Malgré les risques encourus l’idée de revenir chez lui était devenue impérieuse, obsessionnelle. Comme un voleur préparant un mauvais coup il attendit un jour que Tanirt s’absentât plus longtemps que d’habitude pour assister avec Afer à une fête à la Cité des Anges. La conscience inquiète et coupable il se rendit subrepticement à la salle des fenêtres inter dimensionnelles. Il fit fébrilement les gestes habituels et vit peu à peu apparaître dans la surface éclaircie du disque les contours familiers de son village entouré de ses collines. Il affina l’image, la rapprocha en élargissant le grossissement jusqu’à apercevoir la maison de son enfance et son voisinage désert ce jour là. C’était pourtant la saison des labours, le ciel était sombre et chargé de nuées grises, la pluie promettait d’être abondante mais les champs qui devaient être remués et ensemencés à cette période de l’année, Yennayer, étaient dans un état de triste abandon, envahis de broussailles, desséchées par l’ardeur de l’été finissant. Anamir rapprocha davantage l’image jusqu’à obtenir une vue très nette de sa maison, espérant encore voir sa mère mais tout paraissait calme et désert. A ce moment là de la journée le Soleil était déjà haut dans le ciel, sa chère mère devait normalement être affairée, s’occupant de multiples tâches de la ferme. Il la chercha davantage, déplaçant les images, observant les moindres recoins de la basse cour, de l’étable, puis bien plus loin encore du côté des ruchers et du jardin potager, quand il aperçut finalement sa silhouette chétive perdue au milieu du champ qui leur appartenaient. Il se rapprocha d’elle, le cœur battant, plongeant dans cette image inaccessible jusqu’à la distinguer debout face à une charrue de labour attelée à un vieil âne immobile. Elle considérait d’un air impuissant et éploré l’énorme labeur qui l’attendait et levait le regard vers le ciel comme si elle implorait une aide providentielle qui ne venait pas. Le cœur du jeune homme était déchiré de douleur et son âme envahie de honte et de remords. Il l’appela en sanglotant comme le ferait un petit enfant mais elle ne l’entendit point. Il mit alors sa main dans sa besace et prit les trois amandes oblongues et lisses qu’il avait ramassées aux pieds de l’Arbre- oracle, les lança vers elle les unes après les autres pour attirer son attention mais les précieux fruits tombèrent au loin, éparpillés dans les champs. Il se saisit ensuite de la fibule d’argent que sa mère lui avait fixée sur la poitrine et la lui jeta mais le précieux bijou se perdit également loin d’elle. Renonçant à l’objet le plus cher à son cœur, sa flûte en cuivre qu’il embrassa amoureusement avant de l’envoyer il n’ eut pas davantage de succès lorsqu’il vit son bel instrument finir sa course dans un pâturage, en modulant un curieux son. Un berger qui était dans les environs l’entendit et s’en saisit, en levant les yeux vers le ciel, tout ébahi. Anamir suivit du regard sa mère désespérée qui détacha l’âne et s’en retourna chez elle, abandonnant la charrue devenue inutile. Il attendit un moment lorsqu’il la vit entrer dans la bergerie et en ressortir avec le seul bélier qui lui restait. C’était Tafaska, le jour des sacrifices en l’honneur de Yakkuch, le dieu des labours, que les paysans honoraient en ce début d’année. Elle tenait d’une main une corne de l’animal et dans l’autre elle portait un couteau, mais elle semblait incapable de l’abattre, se tenant dans la même posture d’impuissance que tout à l’heure dans le champ, devant sa charrue. Cette fois- ci elle pleurait à chaudes larmes, ne pouvant retenir de ses bras frêles l’animal qui s’impatientait et qui menaçait de la renverser ; Elle ouvrait la bouche et semblait appeler quelqu’un et il lui parut lire sur ses lèvres distinctement son nom : « Anamir ! Anamir ! ». Mais oui ! Il en était convaincu, elle l’appelait à l’aide et invoquait désespérément son nom ! Sans plus résister à son appel déchirant il enjamba le cercle aux frises multicolores, pénétra la brume laiteuse du disque mouvant en fermant ses yeux comme si il plongeait résolument dans des eaux profondes et se sentit soudain propulsé dans une spirale tourbillonnante qui l’entraînait vers l’inconnu. Il sentit son corps s’étirer, se décomposer comme la traînée poudreuse d’une étoile filante pendant qu’un orage mugissant ébranlait son esprit épouvanté. Dans un laps de temps qui lui parut durer une éternité il pensa à sa bien aimée et à son doux sourire, il entendit Afer son fils l’appeler en riant lorsque tout à coup, à l’instant où il sombrait dans le trou béant qui l’engloutissait, il hurla de toutes ses forces mais ses cris furent emportés par le vacarme du torrent qui le disloquait. * " ... il plongeait résolument dans des eaux profondes et se sentit soudain propulsé dans une spirale tourbillonnante qui l’entraînait vers l’inconnu..." | |
| | | atanane
Messages : 148 Date d'inscription : 11/09/2008 Localisation : Ida u Tanan / Paris
| Sujet: Anamir 21 Mer 24 Sep - 8:53 | |
| Il pensa de toutes ses forces ces derniers mots, avant de se taire à tout jamais : « Wa Immi ! Wa Tamurt inu ! Ha yigh ! », Ce qui signifiait : « Ô ma mère ! Mon pays ! Me voici ! ». Et toute son âme splendide, son esprit candide et son corps malheureux furent passés dans un chaos sans fin. A ce moment le ciel s’ouvrit au dessus de l’endroit même où se trouvait sa mère, d’une fulgurance lumineuse aussi éphémère qu’un éclair, le temps qu’elle éleva son regard vers le Soleil et qu’elle vit, aussi incroyable que cela puisse paraître, des perles de sang comme des gouttes de pluie rouge tomber du ciel vers les champs. Une dernière goutte arriva comme un projectile tranchant sur le cou du bélier qu’elle maintenait et l’immola instantanément, comme une lame invisible. « Oh ! Mon Dieu ! Il m’a semblé sentir le souffle de Anamir ! Il a répondu à mon appel ! » * " ...A ce moment le ciel s’ouvrit au dessus de l’endroit même où se trouvait sa mère, d’une fulgurance lumineuse aussi éphémère qu’un éclair, le temps qu’elle leva son regard vers le Soleil et qu’elle vit, aussi incroyable que cela puisse paraître, des perles de sang comme des gouttes de pluie rouge tomber du ciel vers les champs..." Epilogue ... Ainsi se termine la tragique Histoire de Anamir le bienheureux, telle que la chantent encore les bardes de nos contrées, en omettant bien des détails, pressés qu’ils sont souvent de reprendre leurs pérégrinations, car son voyage et son séjour auprès de celle qu’il a chérie de tout son cœur et de toutes ses forces dura bien des années. Il est tant et tant d’autres évènements que les griots ne savent pas et à bien considérer son histoire Anamir le bienheureux n’a jamais disparu des mémoires ni des cœurs. Là où les gouttes précieuses de son sang ont arrosé le sol ingrat des tapis de fleurs délicates et éphémères ont poussé, parsemant chaque printemps tout le pays de coquelicots et d’oeillets écarlates, semant dans les coeurs des désirs d’amour, de joie et de liberté. La fibule projetée dans un pré fut retrouvée par une fillette qui l’offrit à sa mère ; un artisan la vit un jour et il en fit des reproductions ; cette broche à la forme triangulaire fut adoptée par toutes les femmes du pays, se diffusant dans les villes et villages avoisinants et au-delà, devenant le symbole d’attachement d’un peuple à sa terre et à sa culture et de nos jours encore, si vous visitez le pays d’Anamir vous pouvez la contempler, encore identique à l’originale. Quant à la flûte, elle ne fut perdue pour personne, bien au contraire, lorsqu’elle tomba dans les vallées de l’Atlas un berger la récupéra et ses compagnons, subjugués par les mélodies surprenantes qu’il en tirait en fabriquèrent d’autres, en tous points pareilles ; elle fit bientôt leur renommée, tellement la musique qu’ils en tiraient est quasiment magique ! quand elle s’élève, folle de joie, haute et irrésistible de vie et d’énergie, on dirait, pour qui connaît l’histoire d’Anamir le bienheureux, que c’est son rire argenté qu’elle porte, sa fougue et ses plaintes lancinantes qui y résonnent toujours, déchirantes aussi lorsqu’elle se fait mélancolique. Mais le trésor le plus fabuleux qu’ Anamir le généreux offrit à son insu à son peuple fut assurément cette poignée d’amandes, don de l’Arbre de vie, qu’il avait projetées du ciel vers sa terre natale : lorsque le vent les dispersa elles pénétrèrent le sol et bien des saisons après elles donnèrent naissance à des rejetons qui grandirent et se fortifièrent puis se répandirent en une forêt généreuse, couvrant les vallées de l’Atlas d’un arbre unique en son genre, recelant de tant de vertus, l’Argan, qui est encore de nos jours une bénédiction pour la terre et pour les habitants de cette région ! A sa manière Anamir fit beaucoup de bien pour les siens et ainsi s’achève son histoire, plaisante à conter bien que tragique, comme toutes les belles histoires d’amour. Version et illustrations originales de Atanane Aït Oulahyane. A Lalla Zahra, fleur sublime, qui a accompagné l'éclosion de cette version nourrie de passion, merci pour son aide et ses conseils pertinents... Avec toute mon estime et reconnaissance.
Abdallah Unamir | |
| | | itrinit Modérateur
Messages : 441 Date d'inscription : 18/05/2008 Localisation : Agadir
| Sujet: Re: Anamir le bienheureux ( I; préambule ) Ven 26 Sep - 11:49 | |
| Merci atanan pour cette histoire d’anamir le bienheureux! On me l'a raconte lorsque j'étais à tamazirt. Que c'est loin tout ça, des années et des années se sont écoulées. Je trouve celle là bien enrichie d’émotions et de sentiments, ce n’est plus cette histoire sèche de hmmu unamir que ma grand-mère me racontait à tamazirt. J'ai beaucoup apprécié et je suis ravi de la lire et la relire et j’ai beaucoup aimé l’épilogue avec tous ses symboles. Un vrai moment de plaisir.
Mais quand même j’ai quelques remarques à faire : - la première remarque : Je cite: - Il était une fois, à une époque fort lointaine ….. - et l’emmena à Timezguida, l’école coranique attenante à la mosquée ….. - lui donna une écritoire et commença aussitôt à lui enseigner la lecture : Cette lettre à la forme verticale est l’Aleph …. - les lettres tifinagh, notre trouvaille commune, mais je ne savais pas que plus personne ne les utilisait dans ton pays!
D’après ces données, ton histoire de anamir le bienheureux s’est passé après la disparition des tifinagh, après l’arrivée de l’islam (école coranique) et des arabes (lettre à la forme verticale est l’Aleph), donc après le 7ème siecle , après l'arrivée des troupes de Oqba Ben Nafi.
- la deuxième : je cite : Mais le trésor le plus fabuleux qu’ Anamir le généreux offrit à son insu à son peuple fut assurément cette poignée d’amandes, don de l’Arbre de vie, qu’il avait projetées du ciel vers sa terre natale …… argan ….
L’arganier est là depuis des millions d’années, bien avant l’arrivée des arabes (dans l'histoire, anamir avait appris l’écriture arabe avant de connaître tanirt). En tout cas c’est bien imaginé ce lien entre l’arganier, anamir et le jardin des cacades dans le 7ème ciel.
- la troisième : je cite : « Oh ! La ! La ! Anamir, quelle belle histoire ! Assurément la belle Tanirt va être très heureuse de savoir que tu es ici ! Et ton fils Afer sera rempli de joie de te connaître et de te serrer dans ses bras ! »
Je ne sais pas pourquoi le lecteur doit attendre jusqu’à l’arrivée de anamir au Jardin des cascades pour enfin entendre le mot tanirt. Sur la terre, anamir l’appelle : ange
- la quatrième : je ne sais pas pourquoi tu as donné des prénoms amazigh aux créatures célestes alors qu’ils ne sont pas imazighen. Le fils afer Le roi amanar La servante chama Même le mot tanirt n’a jamais été prononcé sur terre.
- la cinqième : je cite : tanirt a dit en parlant a anamir : les lettres tifinagh, notre trouvaille commune, mais je ne savais pas que plus personne ne les utilisait dans ton pays!
Tu as utilisé le pronom « notre » au lieu de « votre », est ce que cela veut dire que tifinagh est aussi utilisé dans l’univers de tanirt.
tanmirt atanane pour cette belle histoire, j'ai passé un moment fort agréable, j'ai eu beaucoup de plaisir à te lire. un grand merci. | |
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| Sujet: Re: Anamir le bienheureux ( I; préambule ) | |
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| | | | Anamir le bienheureux ( I; préambule ) | |
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