J’aime les poèmes tristes
Les sombres toiles et les musiques grandioses
Les plaintes exquises des artistes
Où le cœur vibrant de chagrin, explose
Essore des pleurs inconsolables et divins
J’aime les gémissements délicats
D’une âme défaite par les tracas
De l’amour, de la vie et de l’ennui,
Les aigreurs d’une âme à jamais inassouvie…
J’aime ce noir sombre et sublime
Qui dégouline comme de l’ambre des rimes,
Plus vrai et plus touchant que l’éclat du soleil
J’aime quand saignent ces mots blessés, vermeils
Dépourvus de toute espérance, des sordides vanités
Quand la plume touche le plus creux de l’absence
Et crève l’abcès douloureux de l’existence
Non ces poèmes pleurnichards, mièvres et lourds
Ces jérémiades des médiocres et des aigris des jours
Mais ces complaintes profondes qui dévoilent l’abime
Mais ces symphonies sublimes qui révèlent l’intime
D’une mélancolie irrésistible où s’étrangle l’espérance
Ainsi que les côtes d’un Christ transpercés d’une lance
J’aime les poèmes tristes, comme une procession funèbre
Quand le malheur devient beau et la mort que l’on célèbre
Défile lentement, dans une belle et solennelle harmonie
Quand le silence suprême et implacable vous saisit
D’une caresse lugubre et d’un soupir étrange
D’une larme tendre, profonde, comme le sourire d’un ange
Ô cet insoutenable, indicible frisson des profondeurs !
D’une Madone levant les yeux au Ciel muet et moqueur !
L’idéal exsangue et défait gisant dans ses bras…
J’aime ce rire narquois, cruel et sincère de la vie
Qui vous nargue de vérité, vous écrase de mépris,
Vous lacère jusqu’au plus secret de votre misère
Et vous arrache le sanglot parfait, né d'une pensée amère,
Quand il n y a plus de faux semblant, quand cesse la comédie
Et que ne demeure que la douleur, Muse des Poètes maudits...