Agadir,le 1 Avril 2009
Aziz plus proche de moi que moi-même,
Tu sais,depuis que tu es parti,depuis que tu nous as quittés,me laissant seul dans le noir,ayant perdu une part de moi-même quelque part,un peu perdu,le regard hagard dans ce monde indifférent et froid,comme un estropié,un étrange étranger...depuis ton départ précipité,le premier du mois d'avril 2003(je me rappelle comme si c'était aujourd'hui),cette journée n'est plus,pour moi celle des farces,du mensonge,des tours joués aux proches et amis;cette journée du poisson d'avril.Je n'ai plus le coeur à jouer à cela et je ne fais plus de mensonge à personne,ce jour-là.Depuis que tu es parti là-haut,cette journée est devenue celle des pleurs,de la plus profonde des afflictions,des lamentations,des souvenirs douloureux,atroces,macabres et noirs!Je sais que tu me regardes de là où tu es présentement,que je ne connais pas encore,que j'aurai tout le temps de connaître quand mon tour de partir viendra,quand j'irai te retrouver...je sais que tu me regardes et que tu souris.Je t'entends me dire:" Mais arrête donc de te rappeler ce triste souvenir et pense plutôt aux jours heureux que nous avons vécus ensemble.Tu ne grandiras donc jamais!?Il est temps que tu sois adulte et responsable.Cesse d'être cet enfant sensible,vulnérable et arrête de chialer comme une Fatma!Tu m'énerves à la fin!Raconte plutôt votre monde!Pardon de dire "votre":Tu sais qu'il n'est plus le mien!Donne -moi des nouvelles d'en bas!Tu te rappelles ces vers:
Vue d'en bas,vue d'en haut
La terre est toujours belle
Vive l'hirondelle
Et vive l'escargot?
Mais fais gaffe!Je ne veux que les bonnes nouvelles!"
Que veux-tu que je te dise,cher Aziz?Beaucoup de choses ont changé depuis ton départ et pas toujours roses,hélas.Si je commence par les nouvelles de la famille et des amis,je te dirai qu'ils vont tous bien,assez bien,pas mal,quoi!La vie coule comme un long fleuve tranquille avec ses hauts et ses bas,ses espoirs et ses déboires,ses rêves et ses cauchemars,ses illusions et ses désillusions...et nous continuons notre bonhomme de chemin,condamnés à vivre à perpétuité! Ton fils grandit et pousse comme un arbre.Il est espiègle,malin,intelligent et curieux de tout comme son père.Tel père,tel fils!
Cette année,après une sécheresse qui a perduré assez dangereusement,il a enfin plu en abondance au Maroc.L'arbre du sud que tu vénérais tant,le millénaire et légendaire arganier a ressuscité de ses cendres et a fleuri de mille feuilles.Comme ma joie était sans égal quand j'ai vu tous ces arganiers fleuris,tout verts,vivants!
Que pourrais-je te dire encore?Oui,j'ai failli oublier:Tu sais,notre rêve à deux, je l'ai enfin réalisé!Je suis sûr que tu serais fier de moi si tu étais encore de ce monde,toi l'amazigh,fier et digne de sa culture ,de sa langue,de sa civilisation amazighes.J'ai mis en scène "En attendant Godot",traduite pour la première fois dans l'histoire,en langue amazighe.C'est pas mal,n'est-ce pas?
Et malgré mes cheveux qui commencent à blanchir à vue d'œil,malgré les sillons du temps(je n'ai plus la fougue d'antan!),je persiste,je subsiste et je perdure tant bien que mal et je n'ai pas à me plaindre,tu sais!...Voilà cher ami,je te quitte pour retourner au monde des soi-disant vivants et je te laisse te reposer en paix, tout en m'excusant de t'avoir importuné par mes nouvelles sans importance.
Ton frère qui t'aime pour toujours: Mostafa .