Une chose est sûre, il existe, au Maroc, des villages situés au fin fond de l’Atlas, dont les hommes font tout pour ne point rater le train du progrès. Ils bossent durement de génération en génération pour aplatir les montagnes à coups de sabres en bois, c’est quand même une très bonne chose…Puisque personne n’est venu leur tendre la main pour les conduire vers la civilisation ; depuis…on ne sait plus.
Le makhzen n’a pas le temps de faire son travail, de là à ne pas le faire du tout, je ne pensais pas que c’était possible…
Les cultivateurs ont donc décidé, d’un commun accord, de faire eux même la besogne.Mais, entre nous, on sait bien que ces Péquenauds sont largement aidés, et ont tous, mais alors tous, un parent, qui, généreusement envoie de l’argent, de l’étranger, tout les mois.Une fois de plus, entre nous…sans les flouzes des Amazighs du monde Tamazirt n’aurait jamais eue, ni sa route goudronnée qui l’arracha à son isolement, ni son eau potable qui étancha la soif de ses habitants, encore moins son électrification, qui, à entendre ce qu’ils disent, nos hommes, venus des quatre coins de la planète, déclencha le flot de lumières, l’étincelle sublime, épiphénomène, qui a fait franchir, intrinsèquement, le seuil de la porte d’entrée au troisième millénaire à Aït démerde. Je m’en excuse platement auprès de nos campagnards, mais je tenais à dire les choses telles qu’elles sont.
Il faut bien comprendre que le Makhzen ne peut pas tout faire, voyons ! C’est au cul-terreux de faire le nécessaire en téléphonant, aux membres de leurs familles, cousins et frères dont les comptes bancaires sont pleins à craquer de Dollars et d’euros à l’étranger.
Du coup, le Makhzen se pointe juste à temps pour collecter les impôts, pour confisquer des terres fertiles et dépouiller les paysans de leur bien et piquer leur pognon.Calmez- vous les pouilleux, aboule le flouze...
Ce mois de Juillet est florissant, le soleil est au plus haut sur les pentes aménagées de la montagne. Ils sont venus de loin, de prés, de Casablanca de Rio, de Milan et de Paris, de San Francisco, de Macao, du Danemark et de l’Australie.
Les Aït démerde du monde, rendez-vous comptes, costumés comme des aviateurs, contemplèrent de visu les transformations que réalisèrent, leurs cousins, frères et cousines, aborigènes. Ils étaient heureux, fanfarons. Ils flattèrent leurs égos, impassibles égoïstes.
Le village rayonnait par son château d’eau, ses lampadaires, ses candélabres, Arwass aux quinquets. Les jeunes filles sautillaient pour s’étaler sur les bancs d’école, les garçons, au loin, jouaient au ballon, attendant l’heure des classes, les usés prédirent la fin de leur temps. Un couple de pinsons des arbres sautillait sur le sol, quelques merles gazouillaient sur un caroubier antique. Tout semblait vivre dans une suavité quasi éternelle. Ce fut la première fois que les démerdards comprirent que leurs efforts ne fussent oiseux.ils se regardèrent, les uns ébahis, les autres, sensibles, leurs yeux s’emplirent de larmes. Les Aït démerde sont des bons. Mais, croyez-moi, ça saute aux yeux.