Il était Une heure quarante lorsque Yuften sauta par-dessus le mur d’enceinte de la Casbah du grand vizir Almohade. Une nuit ébène empêchait ses yeux grands ouverts d’examiner le jardin Andalou sur lequel il vient de poser ses sabots .il ordonna à son oreille droite d’inspecter les environs, celle-ci s’exécute, fait un tour express entre les palmiers géants et revint bredouille en ramenant avec elle un silence abyssal.
Rassuré, Yuften enleva ses babouches, pour respecter le silence difficilement obtenu par son ouï, et opéra un mouvement vers l’avant pour atteindre le plus urgemment possible l’arrière de l’imposante bâtisse.
L’obscurité règne toujours sur les lieux. Il invita ses bras à le devancer pour déchirer la nuit et ainsi faciliter sa progression, ses paluches s’exécutèrent. Soudain, Sa main droite effleura la robe d’un pur sang. « Nom de barbe ! S’écria-t-elle». L’étalon surpris par le cri de la dextre, mais sensible à son toucher, hennit amoureusement en se prenant pour pégase : «Bellérophon, mon maitre. Saute sur ma colonne vertébrale nous allons anéantir la chimère, sale bique ».
Yuften atteignit la porte située à l’arrière du château Amazigh. Cette forteresse construite par le grand-père du vizir Abu-hafs.
Abu-hafs, fut jadis Wali de la province d’Algésiras en Andalousie, sous le règne d’Abu Yousouf, dit Al Mansour(le victorieux).Le Wali avait amassé, pendant cette période victorieuse de l’empire Almohade, une fortune colossale qui lui a permis d’acquérir plusieurs domaines, terres, casbahs et d’autres richesses. À sa mort, l’ancêtre avait légué à sa progéniture un patrimoine et une puissance considérables. C’est à cette autorité Amazigh, à ce joug moyenâgeux, à ces influences médiévales que le jeune homme s’apprêtait à violer l’intimité et à transgresser l’honneur. Malheur à toi le meilleur.
La porte était ouverte, Yuften poussa un ouf de soulagement tout en s’aventurant dans le corridor. Un courant d’air emprunta l’endroit. En sortant la bourrasque referma gentiment la porte derrière, sans demander l’avis du jeunot. «ZZallat ! Et maintenant ! Que vais-je faire ? » Jura-t-il. « Avance pubère ! Tes ennuis commencent » lui siffla un serpent accroché aux poutres en bois rond qui constituent le plancher…Il sentit son cœur battre mille coups et répondit avec une voix haletante « Ta gueule, langue de vipère. Tu vas ameuter les gardiens et la cavalerie Almohade ».
Arrivé au pied d’un escalier étroit qui donne sur le vestibule, il essuya une grosse goutte de sueur qui lui pendait au front. En parvenant au palier, une porte lui faisant face, n’hésitant pas une seconde à la pousser délicatement, celle-ci ne présentait aucune résistance et s’ouvrit sur cette grande pièce baignée par une douce lumière. Un climat suspect règne, une peur bleue s’empara des sens de l’intrus. La frousse devient encore plus insupportable lorsqu’une voix de chevalier s’échappe du heaume d’une armure en l’interceptant : « Ddu s usatm ann,ghr tabrat lli gis illan.( Lisez la lettre qui se trouve dans la cavité mural) »Brrr…Yuften obéit, poltron et rusé comme le fennec, il n’a pas osé s’enquérir sur l’identité de l’écuyer. Il fini par remercier cet amas de ferraille en clapotant un poème :
Votre grâce,
Acceptez, s’il vous plait, ces mots d’un épris
Entiché à une princesse cloitrée par ici
Votre grâce,
Souveraine du haut de son trône, a chipé mon cœur…
La voix de l’armure constata qu’il débite des niaiseries, l’interrompit en lui soufflant : « Filez, filez cupidon. Psyché est sur la braise ».
« Mon amour, tayri nu, j’ai pris soins de laisser toutes les portes ouvertes. Prends le candélabre qui se trouve sur la table basse, ensuite tu montes l’escalier hélicoïdal. Au premier étage, tu te débarrasse du candélabre en prenant soins d’éteindre la lumière. Tu dois traverser le patio, prend le couloir de droite, évites d’accrocher les rosiers avec tes vêtements, si un morceau de ta djellaba est pris par une épine, les Id’anes (chiens Amazigh) de mon père iront te débusquer sur la lune. Au fond du couloir, la fenêtre de ma chambre est en moucharabieh, je te ferai alors signe. À tout à l’heure mon UL, ta bien aimée Tanirt
, soit prudent ! ».
Le cœur léger, le pas plus sûr que jamais. Il jeta un baiser sur les écrits de sa muse en s’exclamant : « Melpomène, J’accours ! ».Il chopa le candélabre, grimpa les marches de l’hélice. Lumière éteinte. Le futé respecta scrupuleusement les consignes de Tanirt, s’attaqua dans un noir total au couloir. À mi-chemin, le cri d’un chat interrompit net sa progression. Il se tapit prés d’un rosier imposant, coupa sa respiration, lança un regard circulaire vers l’espace sombre qui l’entoura, rien, nada, le mistigri resta invisible, sale minou !
Soudain, une voix de femme appelant le félin : « psi, psi, psi, psi… ».Elle s’approche du rosier. Le matou distinguant la voix de son maître répliqua en miaulant plus fort. Le rosier se trouvant entre la dame et son animal, le jeunot avec son cœur qui bat la chamade, se recroquevilla pour faire corps avec la plante et faire cesser, en même temps, les battements, de plus en plus élevés de son cœur. à suivre